jeudi 24 février 2022

Miguel TORGA. Contes de la montagne. Nouveaux contes de la montagne. Editions Chandeigne.


Miguel Torga, auteur de la célèbre phrase "L'universel c'est le local sans les murs", de son vrai nom Adolfo Correia da Rocha, est né en 1907 dans une ferme du nord-est du Portugal. Il est mort en 1995.

Après de courtes études dans un séminaire de son pays, il est envoyé au     Brésil par son père à l'âge de 13 ans sur la plantation de café de son oncle qui, impressionné par ses qualités intellectuelles, décide de l'aider à financer  ses études au Portugal. En 1933, Miguel Torga devient médecin. 

 Passionné par l'écriture, il publie ses premiers ouvrages (poésie  et nouvelles) à compte d'auteur. Ses livres, en ces temps troublés, ne sont pas les bienvenus. Son regard lucide et sans concession sur le monde et ses compatriotes, sa liberté d'esprit et sa haine de l'injustice et des tyrans déplaisent fortement à ceux qui gouvernent le pays d'une main de fer. Il dédide de partir découvrir d'autres horizons et voyage en Espagne pendant la guerre civile, avant de se rendre en Italie où règne le fascisme et enfin en France.  En 1939, il est incarcéré pendant plusieurs mois. La dictature de Salazar ne le lâchera plus, on lui envoie sans cesse la police devant son cabinet de médecin et ses livres sont interdits. Il commencera à être accepté après la Révolution des Oeillets en 1974. A la fois poète, nouvelliste et romancier, il se consacre également à la rédaction de son journal qu'il tiendra jusqu'à sa mort. Il refusera tous les prix littéraires.

Avec "Contes de la montagne" et "Nouveaux contes de la montagne", il compose une véritable comédie humaine, mettant au coeur de son oeuvre la vie de ses compatriotes, aux prises avec un destin souvent cruel dans une région aussi aride que belle. Il met en scène des êtres frustes ou, plus rarement héroïques, hantés par de sombres passions et souvent désespérés mais qui savent aussi profiter des quelques joies que leur accorde une existence toute entière faite de dur labeur. Toutefois, sa grande humanité, la tendresse qu'il porte à ceux qu'il décrit ainsi que son humour, font de ces courtes nouvelles des histoires de vie dans lesquelles chacun peut retrouver ses travers et ses souffrances. Les passions, les désirs et les peurs sont universels même si ces sentiments s'expriment différemment d'une civilisation et d'une époque à l'autre.

 

Trop peu connu chez nous, Torga est un écrivain essentiel qui vaut la peine d'être découvert.

Quelques livres de Miguel TORGA traduits  en français:

# La création du monde (Flammarion)

# Vendange (Corti)

# En chair vive (Corti)

# Lapidaires (Corti)

 

 


 

lundi 14 février 2022

Poésie. MINIMALIA. Alberto NESSI (Cheyne)

 

Depuis 1969, Alberto Nessi trace son chemin de poésie, souvent en dehors des sentiers battus. Si une bonne partie de son oeuvre est fortement ancrée dans les dures réalités sociales, le poète  n'ayant de cesse de décrire, de sublimer et de se faire la voix des " petites gens", des oubliés et de ceux qui se battent pour leur dignité, elle est aussi  traversée par son amour de la nature. Cette nature au coeur de laquelle il vit depuis presque toujours, dans son petit village d'une vallée du Tessin.

A plus de 80 ans, l'auteur n'a jamais été aussi prolifique que depuis le début de la pandémie. Dans la même année ont été édités "Corona Blues. Diaro dell'anno 2020", "Perqué non scrivo con un filo d'erba" et "Minimalia". Dans ces trois livres Alberto Nessi semble se rapprocher  un peu  plus des détails de son quotidien et de son environnement, Dans un contexte sanitaire et politique anxiogène, le poète fait  malgré tout preuve d'une belle sérénité et d'une certaine sagesse en vivant pleinement le moment présent et en se plongeant dans sa propre réalité.

"Minimalia", littéralement miniatures, n'aurait pas pu porter un autre titre. Les textes très épurés  sont presque des haïkus. L'auteur, avec une acuité visuelle extraordinaire, est tout entier absorbé par les plantes et les animaux qui l'entourent et traduit ses émotions en quelques mots. Mais le minimalisme n' est pas la pauvreté, l'herbier et le bestiaire d'Alberto Nessi nous emmènent parfois très loin. Qui pourrait croire que la viorne peut nous parler de la maternité, le moustique de la vieillesse, les bouleaux des immigrés, la chouette de la guerre ou la noctule de la mort ? Comment peut-on dire autant avec si peu de mots ? Et pourtant le miracle s'accomplit. Le poète disait dans un texte écrit pour "La Regione" et repris par "Le temps" à l'occasion de la Journée mondiale de la poésie: "... Parce que vivre n’est pas une chose qui va de soi: et la poésie, le miracle de la poésie, peut aussi nous aider à transformer le mal en bien, à extraire, de l’obscurité, la lumière." Avec "Minimalia", la poésie nous éblouit. 


Nous reparlerons bientôt d'Alberto Nessi puisque son très beau journal "Corona Blues", sorti en italien a déjà fait l'objet d'une édition en langue allemande et paraîtra bientôt chez nous en français.

Merci aux Editions Cheyne pour leur travail et bravo à Christian Viredaz pour sa belle traduction.

 "Minimalia", version bilingue. Collection "D'une voix l'autre" dirigée par Jean-Baptiste Para. Préface par Daniel Maggetti.

https://www.cheyne-editeur.com/

https://fr-fr.facebook.com/Cheyneediteur/ 

 

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mercredi 9 février 2022

Poésie. TONE SKRJANEC.

Photo Patricia Coignard
Tone Skrjanec est né en 1953 à Ljubljana  où il vit toujours. Après des études   de sociologie et un court séjour dans l'éducation, il devient journaliste indépendant. En 1990 il est nommé coordinateur du centre culturel KUD " France Prešeren" où il commence à organiser des soirées poétiques qui feront découvrir de nombreux poètes qui sont aujourd'hui des "classiques " de la poésie slovène contemporaine. Il est  également le traducteur d'ouvrages de  William S. Burroughs, Charles Bukowski, Gary Snyder et  Jack Spicer, entre autres.
En tant que poète, il a publié une dizaine de recueils dont, hélas, un seul a été traduit en français, il s'agit de "L'esprit de la tortue est petit et très vieux". Il a aussi travaillé avec des musiciens notamment  Jani Music avec lequel il a enregistré le magnifique "Lovljenje Ritma", en écoute ci-dessous.
Souvent défini par les critiques comme un poète beatnik, peut-être à cause de son style qui privilégie la langue parlée et le rythme plutôt que la "belle écriture", Tone Skrjanec se différencie de ces derniers par sa façon de regarder le monde sans jamais s'en détacher.  Il pratique le "scotchage", qu'il définit comme un processus de création où le poète verbalise l'inverbalisable, basé sur ses états d'âme dans un instant précis de sa vie. Son écriture simple mais recouvrant souvent plusieurs degrés d'interprétation en font un poète très attachant. 

" j'écris des choses qui parlent du quotidien,
de l'éternité,
des arbres, des gens,
des accolades, et des empreintes de lèvres.
L'imposition des mains. Des instants.
Dehors il y a de la neige fraîche et blanche
avec son silence remarquable, parsemée de petites traces d'oiseaux."

Nous avons eu la chance de  découvrir Tone lors de sa tournée en France grâce à la Maison de la Poésie Transjurassienne, dans le cadre de la quatrième soirée "Comme à la maison".
Merci à Marion de l'Association Saute Frontière pour ce moment exceptionnel.

"L'esprit de la tortue est petit et très vieux"  a été édité par la Maison de la poésie de Tinqueux- 8 rue Kléber- 51430- Tinqueux

www.sautefrontiere.fr/ 


mardi 1 février 2022

LITTERATURE. LOUIS PERGAUD. LES RUSTIQUES. (Mercure de France)



On réduit bien souvent Louis Pergaud à sa fameuse Guerre des boutons dont on a tiré beaucoup (trop) de films, celui d'Yves Robert (1962) étant, à notre avis, le seul à pouvoir rivaliser un tant soit peu avec le roman. L'engouement pour cette histoire est compréhensible mais ne doit pas occulter le reste de l'oeuvre et tout particulièrement Les Rustiques, un recueil de nouvelles qui, avec humour souvent, avec tendresse toujours et avec cruauté parfois, racontent les habitants de la Franche-Comté profonde avant la première guerre mondiale. On  a quelquefois  reproché aux livres de Pergaud d'être "datés". C'est vraiment ne pas savoir les lire! Reproche-t-on aux classiques d'être datés?  Si ses personnages n'évoluent pas dans l'environnement standard du XXIe siècle, ils y seraient souvent transposables. Peut-être faudrait-il que les critiques vivent ailleurs que dans les grandes villes ou viennent de temps à autre se frotter au monde rural: ils se rendraient compte que la vie n'y a pas radicalement changée... et l'homme encore moins. Il existe encore dans les campagnes beaucoup de "gros Léon", de "Zidore" et de "père Milot", même si au premier abord ils ne paraissent pas aussi rustiques. Peut-être est-ce cela qui fait peur à ceux qui voudrait que l'homme d'aujourd'hui ne soit plus celui d'hier? Dans Les Rustiques, Pergaud montre avec truculence les chasseurs maladroits, les pochards philosophes, les gamins turbulents et débrouillards, les paysans roublards ou les femmes qui jouent avec application le rôle que les hommes leur attribuent mais n'en sont pas moins les véritables décideuses. Les personnages sont d'une vérité criante. L'auteur se garde bien de les embellir ou de les enlaidir, il les décrit comme ils sont, drôles, émouvants et parfois cruels. 
Il faut lire Les Rustiques, ce qui n'empêche pas de se replonger dans La guerre des boutons, Le roman de Miraut, La vie des bêtes ou De Goupil à Margot.
Le seul regret que l'on puisse avoir est le nombre limité de livres de ce grand auteur mort sur le champ de bataille en avril 1915 à l'âge de 33 ans.
Louis Pergaud a écrit jusque dans les tranchées. Son épouse a pu récupérer son carnet. Le style y est lapidaire, l'endroit n'étant pas très propice à la création ni à la rêverie. Carnet de guerre (Mercure de France) est un texte d'une force incroyable qui nous livre un terrible témoignage de la guerre vue de l'intérieur.
Il serait temps qu' un éditeur réédite les oeuvres complètes comme l'avait fait Mercure de France en 1987.
Sites à visiter: http://pergaudlouis.free.fr/  
                      http://www.maison-pergaud.com/   

LITTERATURE. ANTOINE CHOPLIN.

Antoine Choplin est un auteur discret, comme le sont souvent ses personnages qu'il a le don de magnifier dans chacun de ses romans, des romans courts à l'écriture presque minimaliste d'une beauté sobre qui suggère plus qu'elle ne décrit. Chacun de ses petits livres est un grand moment, le lecteur n'oubliera plus jamais Gouri (La nuit tombée) ni Basilio (Le héron de Guernica), pas plus que Youssov (L'impasse), des hommes simples, presque naïfs, touchants et attachants, des hommes qui s'accrochent à la vie par des actes qui, parfois, pourraient paraître insignifiants mais sont pourtant essentiels. 
Les thèmes sont récurrents mais toujours abordés sous un angle différent: l'art , l'amour et la guerre sont ses sujets de prédilection. Il se dégage des livres de ce grand auteur une tendresse et une poésie peu communes. Choplin ne cherche pas à tout dire.   On sait que la littérature est toujours  l'oeuvre de deux acteurs, l'écrivain et le lecteur, ça n'a jamais été aussi vrai qu'avec Choplin qui n'hésite jamais à laisser planer une part de mystère dont chacun fera ce qu'il voudra. Au lecteur d'utiliser son intelligence, son imagination et sa sensibilité face aux non-dits et de décrypter ce qui se joue entre les lignes. 
Nous serions bien en peine de vous conseiller un livre en particulier, ce qui n'est pas très gênant car lorsque l'on sort d'un livre d'Antoine Choplin, on n'a qu'une envie, se replonger dans un autre!

                                   BIBLIOGRAPHIE NON-EXHAUSTIVE   

                     # La manifestation. Éditions du Petit Véhicule.
                     # Radeau. Éditions La Fosse aux ours.
                     # Léger fracas du monde. Éditions La Fosse aux ours.
                     # L'impasse. Éditions La Fosse aux ours.
                     # Cour Nord. Éditions du Rouergue.
                     # Le héron de Guernica. Éditions du Rouergue.
                     # La nuit tombée. Éditions La Fosse aux ours.
                     # Les gouffres. Éditions La Fosse aux ours.

                     # Une forêt d'arbres creux. Éditions La Fosse aux ours. 

     Quelques-uns de ces ouvrages sont maintenant sortis en poche aux Éditions Points.

jeudi 6 janvier 2022

MUSIQUE. ROBERT PETE WILLIAMS. FREE AGAIN. (Prestige Bluesville)

Robert Pete Williams est un bluesman hélas trop peu connu et qui, pourtant, est l'archétype du musicien et chanteur de blues. Il voit le jour en 1914 à Zachary, en Louisiane. Il passera toute sa vie dans la région de Bâton Rouge.
Il est découvert à la fin des années 50 par le Dr Harry Oster et Richard Allen, , le premier  folkloriste et le second historien du jazz. Tous deux explorent la musique du Sud. Ils entendent parler d'un musicien emprisonné à perpétuité pour meurtre depuis 1956 au pénitencier d'  Angola, l'une des pires prisons des États Unis qui n'en manquent pourtant pas. Ils décident de s'y rendre. Impressionnés par l'homme et par sa musique, ils s'empressent de l'enregistrer sur un petit magnétophone portable. Dans le même temps, ils demandent sa grâce et sa libération, ce qu'ils obtiendront après maintes tractations. 
En 1961 Robert Pete Williams, en résidence surveillée, enregistre son premier album, Free again, pour le label Prestige Bluesville. On y retrouve tous les ingrédients du blues rural. Un homme chante son histoire, la crie parfois, en s'accompagnant d'une simple guitare acoustique. C'est un blues écorché, aride et dur, comme la vie de ceux qui le jouent.
La particularité de Robert Pete Williams est qu'il ne reprend pas la grille classique du blues. Le résultat est aussi beau que déroutant. Ce sera pour toujours sa marque de fabrique. Jamais on n'a été aussi près des racines africaines de cette musique. Il est l'un des rares  à avoir ému Big Joe Williams qui n'avait pourtant rien d'un grand sentimental et dont la vie de misère n'avait rien à envier à celle de son collègue. Il  écrira  une réponse à Prisoner's talking blues ( chanson sortie sur la compilation Angola prisoner's blues).
Robert Pete Williams est autorisé à se produire au festival de Newport en 1964, et, tout en continuant à travailler dans sa ferme, il se produira régulièrement en professionnel aussi bien aux Etats Unis qu'en Europe. Il mourra à Rosedale le 31 décembre 1980.
Nous vous conseillons également un autre de ses premiers enregistrements, I'm blue a man can be ainsi que l'album éponyme sorti en 2001 sur le label Fat Possum Records. 




mercredi 15 décembre 2021

LITTERATURE. GILBERT LEAUTIER.

Gilbert Léautier est un écrivain discret, pour ne pas dire secret. Il n'est pas de ceux qui hantent les plateaux de télévision pour vendre leur marchandise et donner leur opinion sur tous les sujets. L'inconvénient de cette discrétion dans un monde hyper-médiatisé est que son immense talent n'est pas reconnu, à notre avis, à sa juste valeur.
Né en 1945, il devient très tôt dramaturge et fonde le Théâtre du Béguin à Lyon. A 24 ans il reçoit l'Oscar de la création des mains de Jean Vilar. Il se tourne ensuite vers l'écriture radiophonique et ses pièces sont diffusées, notamment, sur la Radio Suisse-romande. Elles obtiennent en 1986 le prix radio de la SACD. En 1991, malgré une certaine notoriété,  il abandonne l'écriture pour se consacrer à la rénovation d'une forteresse du XIIème siècle, le château d'Aujac dans les Cévennes où il vit depuis 1974. Curieusement, lui jusque là très prolixe, dira qu'il avait fait le deuil de l'écriture. En 2007, son éditeur lui propose de rééditer "Pour planter des arbres au jardin des autres. Portraits cévenols". (1982), un volume de textes courts à la fois poèmes, récits, nouvelles  et portraits des austères Cévennes et de leurs habitants. Cette réédition décide Gilbert Léautier à reprendre la plume et, en 2008, sort un autre superbe ouvrage dans la veine du premier: "Pouvez-vous prouver que vous n'êtes pas un escargot?" . En 2010, c'est le non moins magnifique "Le repaire du dernier Cévenol" qui vient compléter la trilogie des portraits cévenols, suivi en 2011 d'une étrange nouvelle, "La mort Madame".
L'écriture de Gilbert Léautier est comme son pays, dense, solide, poétique et rythmée par le silence. Ses thèmes font qu'elle dépasse le régionalisme et côtoie l'universel, même si l'écrivain n'hésite pas à employer le langage parlé parfois émaillé de quelques mots en patois. Les phrases sont courtes:
"Assurément, ils ne sont pas causants, les gens d'ici.
Bâiller pour eux, c'est déjà un long discours.
Au maximum de la joie, ils crachent par terre.
Au comble du chagrin, ils hochent la tête.
Donnez-leur dix mots, ils vous en rendent quatre.
Avec eux, vous êtes toujours en déficit d'un silence.
C'est pas le pays des grandes phrases."
Les images sont fortes:
"C'est une route qui a oublié la règle.
Elle a été tracée au serpent."
ou:
"La cheminée, c'est la fenêtre de l'hiver."
L'humour et la tendresse ne sont jamais loin:
"Moi, mes morts se fendent la gueule!
ils ont l'os indiscipliné.
Ils rient à s'enrhumer."
Mais on pourrait citer chaque phrase tant le style est d'une beauté hors du commun.
Le seul défaut de Gilbert Léautier est d'être un écrivain trop rare et même si nous nous adonnons avec joie au plaisir de la relecture, nous attendons à chaque fois avec impatience le prochain livre.
Les ouvrages cités dans l'article sont édités par les éditions Alcide.







mardi 6 juillet 2021

POESIE. GASTON COUTE.

Gaston Couté, fils de meunier, naît en 1880 à Beaugency (Loiret). Gamin intelligent, il obtient son certificat d'études à l'âge de 11 ans et ses parents l'envoient au cours complémentaire de Meung-sur-Loire. Il devient turbulent et ne travaille que dans les matières qui l'intéressent. Le résultat de son indiscipline ne se fait pas attendre: il est recalé au Brevet Elémentaire. Ses parents ne renoncent pas à en faire un fonctionnaire et l'inscrivent au lycée où il ne travaille plus du tout. Il finit par rentrer à la maison à leur grand désespoir. Il entre à la Recette Générale d'Orléans. Très vite lassé par un travail monotone, il devient reporter au journal Le Progrès du Loiret. Passionné de poésie, il fait la connaissance de Da Costa, directeur littéraire de La  Revue littéraire et sténographique du Centre qui publiera ses premiers textes. Un jour de 1898, une troupe d'artistes parisiens donne un spectacle à Meung-sur-Loire. Le jeune Couté demande s'il peut dire quelques-uns de ses poèmes en patois. A sa grande surprise, le directeur accepte et, à l'issue de sa prestation,  l'encourage à travailler et à venir tenter sa chance à Paris. Bientôt Gaston ne pense plus qu'aux cabarets montmartrois et il a tout juste18 ans, le 31 octobre 1898, quand il prend le train pour rejoindre la capitale.
A peine arrivé, il fait le tour des cabarets et  débute à Al Tartaine où son charisme naturel, sa jeunesse et la fraîcheur de sa poésie le font rapidement connaître. Il chante et dit  ses textes dans de nombreux cabarets mais il doit souvent se contenter de cafés crème en guise de salaire. Il finit par revenir au pays. Son caractère instable et sa soif de liberté le rendent très vite nostalgique de la grande ville et un matin, muni de son baluchon, il reprend la route de Paris. Hélas, il ne tarde pas à boire plus que de raison et son hygiène de vie laisse à désirer. En 1907, les médecins le déclarent tuberculeux. Cela ne freine pas son ardeur, son talent et sa révolte. Il n'a de cesse de fustiger le nationalisme, la bêtise, la guerre et le conformisme bourgeois. Il écrit pour le journal antimilitariste La Guerre Sociale, pour Le Libertaire et pour La Barricade. Il mourra le 28 juin 1911 à l'hôpital Lariboisière d'une phtisie galopante, il n'avait pas encore 31 ans.
Malgré sa courte vie, Gaston Couté laisse derrière lui une oeuvre conséquente et d'une rare qualité. Souvent considéré comme le versant paysan de Jehan- Rictus qui l'a bien connu, il avait comme lui horreur de l'injustice et de l'exploitation de l'homme par l'homme. Tous deux avaient choisi la cause du peuple et l'exprimaient chacun à leur façon et dans leur propre langage. Jehan- Rictus ayant vu Gaston Couté sur scène a son arrivée à Paris avait été impressionné par le poète et écrivit :" Ses poèmes sentaient bon la terre, le foin, les labours, les emblavures, les vergers et les bois, toute la campagne en un mot. Nous nous trouvions incontestablement en présence d'un adolescent de génie qui, à ses dons extraordinaires, joignait déjà une technique des plus habiles et la connaissance approfondie du métier" 
 Gaston Couté n'aura pas eu la joie de voir édité un de ses livres, le premier ne sortira que 17 ans après sa mort. Sa poésie, elle, continue à faire son chemin. Ses textes et ses chansons ont été interprétés par de nombreux artistes aussi différents que Bernard Lavilliers, Gabriel Yacoub, Edith Piaf ou Gérard Pierron. Certains groupes de rap et d'électro puisent aujourd'hui encore dans son répertoire.
Pour lire, entendre et mieux connaître cet immense poète nous vous conseillons de visiter l'excellent site qui lui est dédié:      http://gastoncoute.free.fr/index.htm

jeudi 12 novembre 2020

LITTERATURE. MARIO RIGONI STERN.


Mario Rigoni Stern est né en 1921 à Asiago  (Italie), il y est mort en 2008. Il a à peine 17 ans lorsqu'il s'engage dans le régiment des chasseurs alpins. Il combattra en France, en Grèce, en Albanie et en Russie avant d'être fait prisonnier par les Allemands en 1943. Il est conduit dans les camps de Prusse orientale d'où il s'évade. Il gagne l'Autriche et parvient, à pied, à rejoindre son village le 5 mai 1945. Il construit une maison et passera toute sa vie au milieu des paysages qu'il décrit si bien. Employé au cadastre, il ne se consacrera entièrement à son oeuvre qu'à l'âge de la retraite en 1970. Marqué par la guerre qui le hante à tout jamais et qui , lorsqu'elle n'est pas le sujet principal, court en filigrane dans la quasi-totalité de ses romans, chroniques, nouvelles ou récits, Mario Rigoni Stern trouve le réconfort dans une nature qu'il connaît comme personne.                
C'est toujours une curieuse expérience de lire ses écrits dont on sort apaisé, avec l'impression d'avoir vécu avec l'auteur des moments privilégiés, au rythme de son pas, dans les traces des nombreux animaux qui peuplent ses montagnes, au milieu des odeurs de mousse, de sève et de champignons, dans la blancheur de la neige qu'il affectionne tout particulièrement. Une grande compassion transparaît dans les pages de cet auteur d'exception, compassion pour les hommes mais aussi pour les animaux, tous les animaux. Il en parle souvent avec humour mais aussi avec une tendresse peu commune, la tendresse de ceux qui ont compris qu'il n'y a pas une si grande différence entre eux et nous, surtout dans la souffrance.
L'écriture de Mario Rigoni Stern n'a rien de révolutionnaire dans la forme, et c'est ce qui  fait en grande partie sa force d'évocation. Paradoxalement, la poésie de ses textes ancrés dans le monde campagnard vient de l'extrême réalisme des descriptions et de sa langue simple et précise. Il y a de la terre, des rochers, de la neige et du vent dans ses mots.   
L'écrivain qui n'a jamais fréquenté les salons littéraires avait pour admirateur et ami Primo Levi (auquel il a consacré un très bel hommage) qui disait de lui: " On trouve rarement pareille cohérence entre l'homme qui vit et l'homme qui écrit, pareille densité d'écriture."    
Pour l'anecdote, à défaut du Prix Nobel pour lequel il était pressenti, il obtint un honneur qui l'amusait beaucoup. Un groupe d'astrophysiciens a donné son nom à un astéroïde découvert en 1996, ce qui lui faisait dire: " Mario Rigoni Stern se balade dans le ciel. C'est drôle, non ?"     
                  
Si tous les livres de Mario Rigoni Stern sont passionnants, Le ZIG! a ses préférés:

Les Saisons de Giacomo (Robert Laffont)
Histoire de Tönle (Verdier)

Editions La Fosse aux Ours
  
Le livre des animaux
Sentiers sous la neige
Hommes, bois et abeilles
Le sergent dans la neige
Pour Primo Levi
                                        

jeudi 21 mai 2020

POESIE. Comme un oiseau dans la tête. RENE GUY CADOU. (Points).

Comme un oiseau dans la tête : Poèmes choisis par CadouRené Guy Cadou est né en 1920 en Bretagne, au coeur du marais de la Grande Brière. La mort de sa mère, alors qu'il a à peine 12 ans, le plonge dans une profonde mélancolie qui hantera plus tard sa poésie, cette poésie entrée dans sa vie par le biais de son père.
En 1936, Cadou fait la connaissance de Reverdy et de Max Jacob. Un an plus tard il publie son premier recueil Brancardier de l'aube. Il écrit sans cesse, deux autres recueils voient le jour avant la guerre et la mort de son père en 1940. Cette année-là il est mobilisé mais, malade, il est rendu à la vie civile quelques mois plus tard. Il exerce alors le métier d'instituteur.
La guerre l'oriente vers une poésie beaucoup plus expressive. Il écrit Pleine Poitrine après que 27 otages aient été fusillés à quelques kilomètres de son lieu de travail et que son ami Max Jacob soit mort à Drancy. En  1946 il épouse Hélène Laurent, elle-même poète. Il lui consacrera Hélène ou le règne végétal. Il tombe de nouveau malade et sent très vite que sa vie sera courte. Il trouve refuge dans sa poésie. Malgré plusieurs interventions chirurgicales, il meurt en 1951, quelques jours après avoir achevé Les biens de ce monde. Malgré la brièveté de sa vie, il laisse plus d'une trentaine de recueils de poèmes, deux essais sur Appolinaire ainsi que des nouvelles.
Si René Guy Cadou n'a pas connu  une plus grande notoriété, la faute en incombe en partie à ceux qui, voulant bien faire, n'ont voulu le définir que comme un écrivain régionaliste et intimiste, lui collant même l'étiquette de poète chrétien. C'est vrai que Cadou a ancré sa poésie dans l'endroit où il vivait, c'est vrai aussi qu'il ne reculait pas devant l'introspection, c'est également vrai qu'il était croyant mais ce n'est pas faire grand cas de son oeuvre que de la réduire à cela. Il est avant tout le poète du doute et en cela sa poésie touche à l'universel. Aurait-on oublié qu'il a su s'ouvrir à son époque avec des textes comme Les fusillés de Chateaubriant ou Ravensbrück ?
 Michel Manoll, dans sa très belle préface aux Oeuvres poétiques complètes (Editions Seghers 1978), a très bien défini le poète:
"René Guy Cadou s'est voué à donner voix à tout ce qui participe au concert terrestre, sans en exclure la plus humble psalmodie ou le chuchotement le plus discret..."
Mais  laissons le mot de la fin à Cadou lui-même, répondant à une interview de Pierre Béarn dans Le Miroir d'Orphée:
"J'habite un coteau ensoleillé assez loin des officines littéraires pour me passer des satisfecit des snobs et du personnel de la critique." 

mardi 3 septembre 2019

POESIE / La vitesse foudroyante du passé. RAYMOND CARVER. (Points).

Ce recueil de 80 poèmes est un autoportrait de Carver qui écrit avec des mots simples des histoires qui pourraient sembler presque banales au lecteur distrait. Chaque texte est un instantané, une photo d'un moment fugace prise au pollaroïd. Qu'il nous décrive un coucher de soleil, une partie de pêche, qu'il parle de la mort de son père ou de son impossibilité à oublier ses erreurs alors qu'il aimerait se plonger dans la contemplation des dunes enneigées ou encore d'un noël gâché par l'alcool qu'il a ingurgité, Carver sait nous faire sentir le poids de l'instant, son urgence à le vivre. Ses poèmes sont finalement des nouvelles réduites à leur plus simple expression. Ces courts instants de joie, d'espoir, de tristesse et de mélancolie nous font voir la vie autrement et  aimer la poésie qui, pour lui, était vitale. Dans "Récit", parlant d'un poète qui écrit comme si "le résultat ne l'intéressait qu'à moitié", il dit:
"Il n'avait même pas lu un poème depuis des mois.
C'était quoi cette vie ?
Une vie
où un homme est trop occupé même pour lire des poèmes ?
 Pas une vie...
Alors, prenez le temps de vivre et de lire les poèmes de Carver!

mercredi 28 novembre 2018

Théâtre . WINTER FAMILY. H2-HEBRON

Si assister à un concert de Winter Family s'apparente  à une expérience exceptionnelle, que dire de l'éventail de sentiments qui étreint les spectateurs  de leur pièce "H2- Hébron" ? C'est  une véritable immersion dans cette ville, où fanatisme, violence et absurde sont le lot quotidien, que nous proposent Ruth Rosenthal et Xavier Klaine. Il y a fort à parier que tous ceux qui auront assisté à ce "spectacle" n'auront plus jamais la même vision du conflit israélo-palestinien.
Dès l'entrée un malaise s'installe malgré le "bienvenue" de Ruth Rosenthal, la comédienne-guide. Il faut dire qu'une explosion vient de se faire entendre et qu'une fumée blanche s'élève dans la salle. Malgré tout, le public s'installe dans les gradins qui se font face de chaque côté d'une longue table noire. La comédienne se propose de nous faire visiter la rue principale de Hébron et se lance dans un monologue ininterrompu à travers lequel elle va incarner quatre protagonistes différents, des Palestiniens, des colons, des militaires et des observateurs activistes. Les voix des uns et des autres se chevauchent parfois jusqu'à devenir incompréhensibles, chacun convoquant son histoire, relatant les mythes et les massacres, décrivant son quotidien, avouant ses craintes et ses espoirs tout en étant persuadé  de son bon droit et convaincu de sa propre vérité . Tout en parlant, elle place les maisons sur la table et construit petit à petit la rue. Très vite le public n'est plus dans un théâtre mais au coeur de ce qu'il faut bien appeler un enfer. La tension monte au fil de la "visite". La rumeur de la ville tout d'abord étouffée devient plus présente, la chaleur tombe sur le public, une dernière explosion  et la fumée envahit de nouveau la salle, laissant le spectateur abasourdi par ce voyage qu'il n'oubliera plus.
Il est rare qu'une pièce de théâtre bouleverse ainsi les spectateurs, l'originalité de la mise en scène qui met à contribution tous les sens, ajoutée à la présence charismatique de la comédienne n'y sont certainement pas étrangers. Le travail de documentation et le fait que les deux metteurs en scène aient séjourné à Hébron, côtoyant les diverses populations sans prendre parti, leur donne une vraie crédibilité. 
Mais les mots sont pauvres pour décrire un tel choc, autant artistique que psychologique, nous ne pouvons donc que vous encourager à surveiller les dates des prochaines représentations.


Nous devons avouer que nous n'avons pas résisté à la tentation du concert qui avait lieu deux jours plus tard au même endroit (Théâtre Vidy/Lausanne), un autre grand moment. Les deux musiciens sont maintenant accompagnés à la flûte sur quelques morceaux par la jeune fille dont on pouvait entendre les gazouillis de nouveau né sur le 1er album !
(Voir dans le blog l'article du 28 juillet 2012, rubrique musique). 

 http://www.winterfamily.info/
 https://fr-fr.facebook.com/WinterFamilyPage/


Discographie de Winter Family:


# Winter Family        (Sub Rosa / Ici D'ailleurs) 2007

# Red Sugar              (Sub Rosa / Ici D'ailleurs) 2011

# South From Here   (Sub Rosa / Ici D'ailleurs) 2017


                                 







mercredi 23 mai 2018

Punchlines. Samuel Dock. (First Editions)

Samuel Dock, né en 1985, est  psychologue clinicien. Il écrit depuis l'adolescence et Punchlines n'est pas son coup d'essai, loin s'en faut, puisqu'il a publié un roman, "L'apocalypse de Jonathan" en 2012 avant de diriger en 2014 le recueil "Nouvelles du couple". En 2015 est sorti chez Plon "Le nouveau choc des générations", riche dialogue avec Marie-France Castarède. Cet échange fait écho à l'essai de l'anthropologue Margaret Mead "Le Fossé des générations" (1971). En 2016, il accompagne Julia Kristeva dans l'écriture de ses mémoires "Je me voyage". En 2017 paraît chez Plon " Le nouveau malaise dans la civilisation" avec, une nouvelle fois, Marie-France Castarède. Les deux protagonistes unissent leur savoir pour analyser les transformations du monde d'aujourd'hui, ses spécificités et ses dangers. Cet ouvrage fait lui aussi écho à un essai, "Malaise dans la civilisation" de Freud (1930). 

Punchlines s'inscrit dans un autre registre. Samuel Dock a recueilli au fil du temps les propos de certains de ses jeunes patients ( qui ont entre 12 et 20 ans), morceaux choisis pour leur humour, leur intelligence ou leur lucidité. Le but avoué: combattre les idées reçues sur une jeunesse souvent décriée et parallèlement  tenter de montrer, à défaut d'expliquer, le travail des psychothérapeutes eux aussi régulièrement en but à des critiques infondées. 
Comme à son habitude, l'auteur a trouvé un angle original pour observer et comprendre le fonctionnement d'une société en constante mutation dans laquelle les adolescents, dénués des tabous de leurs parents et des adultes en général, essaient de s'épanouir malgré tout. Il ne s'agit pas pour Samuel Dock de se moquer de ces adolescents ou de les considérer comme des êtres incomplets en devenir mais au contraire de montrer qu'eux aussi peuvent nous aider dans notre compréhension du monde moderne. On sent d'ailleurs une totale empathie du "soignant" qui annote chacune des 120 interventions de ses patients de commentaires souvent émaillés d'auto dérision. Il dédie d'ailleurs cet ouvrage à tous ces patients qui, dit-il, l'ont aidé à grandir. Ce livre prouve, s'il en était besoin, que rire et sourire n'empêche pas de réfléchir à condition de le faire avec et non pas au dépens des autres.

Nous vous recommandons vivement  la lecture de "Le nouveau choc des générations" et "Le nouveau malaise dans la civilisation", deux livres qui, s'ils sont traités sans l'humour de ces Punchlines, nous aident à comprendre ce siècle de façon intelligente.


Pour ceux qui voudraient mieux connaître Samuel Dock:
 https://samuel-dock.com/

jeudi 23 novembre 2017

Dounia Tabolo. BOUBACAR TRAORE. (Lusafrica)

A 75 ans, Boubacar Traoré vient de nous offrir  un bel album, un album un peu différent de ses précédents.   Désirant élargir sa palette tout en conservant le cachet original de sa musique, il s'est entouré de musiciens du Sud des États Unis, certains rencontrés lors de ses tournées: Leyla Mc Calla (violoncelle et voix), Corey Harris (guitare et voix) et Cedric Watson (violon et washboard). Il a bien entendu gardé ses deux complices habituels, Vincent Bucher (harmonica) et Alassane Samaké (calebasse et percussions). 
Le danger avec une telle formation aurait été de dénaturer son style minimaliste avec des arrangements trop sophistiqués, le piège est magistralement évité par une production au plus près du son acoustique de ses albums précédents. Le résultat est ce très beau Dounia Tabolo, aussi émouvant qu'envoûtant dans lequel Boubacar revisite d'anciennes chansons (Yafa Ma, Maciré) et nous en offre quelques nouvelles (Ben De Cadi, Mousso). Enregistré en Louisiane, à Lafayette, la musique emprunte au blues, au folk, au zydeco et bien sûr à la tradition mandingue, unissant le Niger au Mississippi de belle façon, rappelant si besoin était les origines du blues. 
 https://www.boubacartraore.com/


 https://fr-fr.facebook.com/boubacar.traore.music/



jeudi 21 septembre 2017

Musique. PAPERTANK.

Photo Gilbert Chagrot. Concert de Petite Chaux.
PAPERTANK est un trio composé de Anthony Gadot, basse et voix, Aurel Cuenot, batterie, et Charles Cavalier, voix. Pas de guitariste ? Non pas de guitariste chez PAPERTANK, la basse y remédie de façon magistrale !
Groupe atypique autant dans sa composition que dans son style qui louvoie entre rock, punk, stoner ou hardcore sans jamais perdre de sa cohérence, de sa puissance ni de sa générosité, PAPERTANK sait apporter sur chaque titre son lot de surprises. Des compos superbes, une énergie sans faille, un équilibre savant entre plages échevelées et plages mélodieuses font de Playground, le premier album du groupe, un album aussi surprenant qu'attachant à mettre d'urgence entre toutes les oreilles. 
Il est à noter également qu'ayant découvert le trio sur scène, "Le ZIG!" a retrouvé intacte l'énergie dans l'album, ce qui est assez rare pour être signalé. Au fil des écoutes, on découvre certaines subtilités qui échappent parfois dans le feu des concerts, surtout lorsqu' il s'agit d'un groupe qui donne tout, ce qui est le cas de PAPERTANK.  
Autant dire que Playground n'a pas fini de nous faire vibrer.
Merci à l'association "Rock, Nature et Distorsion" qui nous a fait découvrir un groupe aussi talentueux lors du "Passage à l'An III". 
 http://papertank.ch/
Vous pouvez aussi retrouver PAPERTANK sur Facebook.



vendredi 18 août 2017

Peinture. Jacques Piquery.

Jacques Piquery dont nous vous avions parlé il y a déjà bien longtemps est enfin reconnu.
Plus d'une centaine de ses toiles sont exposées au château de Flamanville dans le Cotentin depuis le 1er juillet et jusqu'au 3 septembre  et un très beau livre, "L'après-midi d'un fauve"  a été édité par l'association 3Angles (6 rue du Général Jouan- 50100- Cherbourg-en-Cotentin) pour l'occasion.
Ci-dessous le documentaire qui accompagne cette très belle exposition.

Facebook de l"association 3Angles:
https://fr-fr.facebook.com/association3Angles/

Pour en savoir plus sur Jacques Piquery:
http://boobalootchi.com/piquery/ et  http://jacquespiquery.blogspot.fr/



vendredi 11 novembre 2016

Adieu à LEONARD COHEN.

Le 29 juillet 2016, Marianne Ihlen, l'inspiratrice des chansons de "So long Marianne"  ("Songs of Leonard Cohen") et de "Bird on fire" ("Songs from a room") s'éteignait après une longue maladie.  Léonard Cohen  venait de lui écrire une lettre émouvante dans laquelle il disait "... je pense que je vais te suivre très bientôt... Maintenant, je veux seulement te souhaiter un  très bon voyage".  Le 7 novembre, il est parti la rejoindre. Il avait 82 ans et venait de sortir " You want it darker", son testament et l'un de ses meilleurs albums. Il y parle (comme toujours) de  mort, d'amour, de vie et de spiritualité, parfois avec gravité, d'autres fois avec son humour très particulier. Sa voix est plus belle que jamais et les mélodies sont d'une profondeur vertigineuse. Que dire de plus de cet immense artiste à la fois poète, écrivain, auteur, compositeur, musicien et chanteur qui a accompagné nos vies depuis bientôt cinquante ans ? Son oeuvre immortelle parle pour lui .
Bon voyage Monsieur Cohen.

                                                    
                                                      https://www.leonardcohen.com/

                                                Discographie studio

                                       . Songs of Leonard Cohen (1967)
                                       . Songs from a room (1969)
                                       . Songs of love and hate (1971)
                                       . New skin for the old ceremony (1974)
                                       . Death of a ladies'man (1977)
                                       . Recents songs (1979)
                                       . Various positions (1984)
                                       . I'm your man (1988)
                                       . The future (1992)
                                       . Ten news songs (2001)
                                       . Dear Heather (2004)
                                       . Old ideas (2012)
                                       . Popular problems (2014)
                                       . You want it darker (2016)

                                                A lire absolument

                                       . Le livre  du désir. Poèmes. (Points. Edition bilingue)
                                       . The favorite game. Roman. (Flammarion)
                                       . Poèmes et chansons. (10/18)

                                                        DVD
                                        . Live in London (Columbia)
                                      


vendredi 14 octobre 2016

BOB DYLAN Prix Nobel

Pauvre Zig qui ne sait plus à  quel libellé se vouer: musique, littérature ou poésie ? Mais surtout, pauvre Dylan ! Quoi qu'il dise ou fasse, il y a toujours quelqu'un pour lui sauter à la gorge. Dans les années 60, les uns lui reprochaient de faire des chansons "engagées" tandis que les autres ne le trouvaient pas suffisamment militant. Lorsqu'il décida d'électrifier sa musique, beaucoup l'accusèrent de traîtrise puis quand au cours de sa carrière il rejoua en acoustique, il se fit traité d'opportuniste. On lui a reproché ses textes trop hermétiques, aujourd'hui que le Nobel lui est attribué, quelques écrivains en manque de notoriété l'accusent de n'avoir écrit que "des ritournelles" ! On peut ne pas être d'accord avec le jury et même ne pas aimer Dylan, ce n'est pas une raison pour essayer de démolir un créateur qui n'a rien demandé. Ces écrivaillons feraient mieux de se mettre au boulot s'ils rêvent de l'avoir un jour ce Nobel et, s'ils n'ont rien de mieux à faire, ils pourraient au moins éviter la mauvaise foi et le mensonge. Dylan a écrit plus de 500 textes, autant, sinon plus que Rimbaud, Verlaine ou Baudelaire qu'on ne peut pas accuser de ne pas avoir une oeuvre. L'un de ces aigris va jusqu'à écrire que les journaux ont tellement comparé Dylan à Rimbaud qu'il aurait fini par prendre cela au sérieux. Nous conseillons à ce monsieur de visionner l'entretien que le chanteur-poète-compositeur-musicien- écrivain a accordé à Antoine de Caunes en 1984. Ce dernier lui demande si le fait que les journaux disant de lui qu'il était un génie a eu une influence sur son écriture, la réponse est claire: "Je ne l'ai jamais cru". Alors pourquoi vouloir dénigrer ce brave Bob qui n'est  pourtant pas un modèle de modestie ?!!!
Ne vous cachez pas derrière l'excuse bidon que lui donner le Nobel est méprisant pour les "vrais" écrivains dont, soit dit entre nous, vous ne faites de toute façon pas partie. Le seul sentiment qui vous anime a pour nom la jalousie qui n'est "qu'un dépit envieux ressenti à la vue des avantages des autres" dit le Larousse.  Cette polémique stérile ne vous grandit pas.

A lire ou à relire par ceux que la jalousie n'étouffe pas:

# Chroniques (Folio), autobiographie de Dylan
# Lyrics: Chansons 1962-2001 (Fayard), environ 400 textes en édition bilingue.

dimanche 18 septembre 2016

MUSIQUE. Nick Cave and The Bad Seeds. Skeleton Tree. (Kobalt).

Nouvel album de Nick Cave après presque trois années de silence et le décès accidentel en juillet 2015  de son fils de quinze ans. Contrairement à ce qu'ont pu dire certains critiques, il semblerait que l'écriture de ce seizième  album était terminée lors de ce terrible drame. L'atmosphère en clair- obscur de ces huit magnifiques chansons, atmosphère qui fait partie de l' univers de l'artiste depuis toujours, n'est donc pas liée à ce qu'il a vécu. En revanche, l'enregistrement ayant eu lieu à l'automne de la même année, la voix est encore plus expressive, encore plus profonde qu'à l'accoutumé, c'est la voix d'un homme meurtri, parfois à la limite de la rupture. Les sons d'orgue et les cordes se taillent la part du lion dans les arrangements dépouillés, presque minimalistes, de Warren Ellis, donnant une dimension solennelle à l'ensemble qui sonne comme un requiem. 
Skeleton Tree est un disque gorgé d'une émotion presque palpable, traversé parfois d'éclairs lumineux, un disque comme on n'en connaît peu.


                                                            http://www.nickcave.com/


jeudi 4 février 2016

MUSIQUE. ARNO. Human Icognito. (Naïve)

A plus de 66 ans, Arno signe avec Human Incognito l'un de ses meilleurs albums plein de blues poignants, de rocks rugueux et de ballades comme lui seul sait les écrire. 
Toujours lui-même mais toujours différent, celui qui se décrit dans le premier titre comme "an old motherfucker" n'a rien perdu de sa naïveté, de son impertinence et de sa fraîcheur. Il nous chante, en anglais et en français, de sa voix inimitable la tendresse, l'amour ou la vieillesse, des chansons tantôt surréalistes, voire absurdes, tantôt mélancoliques ou douces-amères et c'est un vrai bonheur. On n'avait pas entendu un album aussi organique depuis longtemps. Arno s'est débarrassé des synthés et autres machines pour ne garder quasiment que les instruments fondamentaux du rock, une guitare, une basse et une batterie. Produit par John Parish, Human Incognito a été enregistré en une semaine pour, comme le dit son auteur " éviter de trop penser". Chaque morceau va à l'essentiel et ne laisse pas la place aux fioritures superflues. On est avec cet album dans l'essence même du blues et du rock. Alors non, ce n'est pas la révolution mais un sacré bain de jouvence dans un milieu aujourd'hui bien plus préoccupé par le marketing que par la qualité de la musique. Arno est plus que jamais indispensable, sa liberté d'esprit aussi.

             Le site officiel:   www.arno.be  musique, bio, dates de concerts...

En marge de ce superbe album, Le Zig! ne peut pas passer sous silence un événement qui l'a choqué. Voyant par hasard qu'Arno était invité dans l'émission fourre-tout "On n'est pas couché", émission dans laquelle trop souvent les clowns se mêlent de politique alors que les politiques font les clowns, il décide de regarder le lendemain en replay de façon à ne pas perdre son temps à écouter pérorer des pseudo journalistes plus occupés à faire leur show et à se mettre en valeur qu'à comprendre les invités. Avance rapide jusqu'à l'interview... et là, spectacle lamentable! Une jeune femme imbue de sa petite personne parle à Arno comme certains parlent à un attardé mental ou à un gamin de six ans, allant jusqu'à lui demander s'il comprend ce qu'elle dit! Comment peut-on être aussi irrespectueux, comment peut-on faire son métier aussi mal ? D'accord, Arno peut sembler étrange, d'accord, c'est vrai qu'il vit dans son monde mais avant de poser des questions, on se renseigne: on peut, par exemple lire la très bonne bio de Gilles Deleux "Arno.Un rire et une larme" (Ramsay) et regarder le très beau film de Marc Dixon "Arno: Comme les hommes". Cela aurait certainement évité à cette dame de se ridiculiser car (s'en est-elle rendue compte?) ce n'est pas Arno qui a été ridicule, c'est elle qui a été pitoyable.
On n'ose pas imaginer quelle aurait été sa réaction si elle avait été amenée un jour à interviewer Bukowski ou Anthonin Artaud! 
  Dire qu'Arno voudrait vivre "dans un monde sans chichis où les cons ne font pas de bruit" !