vendredi 17 février 2012

LITTERATURE / HENRI ROORDA.

Faut-il ranger Henri Roorda dans la rubrique littérature ? Le personnage est si atypique qu'on serait bien en peine de définir jusqu'à son travail d'écrivain.
Il naît à Bruxelles en 1870. Son père, fonctionnaire du gouvernement hollandais en Indonésie est révoqué pour ses positions anticolonialistes. Il rapatrie sa famille en Europe et s'installe en Suisse, dans le canton de Vaud. Les voisins les plus proches sont les anarchistes Elisée Reclus et Metchnikoff, interdits de séjour en France. Henri devient vite le digne élève d'Elisée Reclus qui l'initie à l'anarchisme humaniste. Il fait ses études et devient professeur de maths en 1892. Il commence à publier ses textes la même année. Très critique vis- à- vis de l'enseignement en particulier et des institutions en général, il donne des articles à différentes revues. Les titres de ces articles sont édifiants. Pour exemple, celui écrit pour "L'humanité nouvelle, revue internationale" est intitulé "L'école et l'apprentissage de la docilité". Parallèlement, il mène une enquête sur l'éducation , publie des articles sur la pédagogie et donne des conférences. Dès 1912, il fera paraître régulièrement des manuels pédagogiques. Lors de la création de l'école libertaire Ferrer à Lausanne, il est chargé de rédiger la "Déclaration de principe". En 1916, il entreprend d'écrire des chroniques hebdomadaires pour des journaux lausannois. Ces chroniques  pleines d'humour sont empreintes d'une grande lucidité et magnifiquement rédigées.  En 1917 sort "Le pédagogue n'aime pas les  enfants", un pamphlet brillant et acide sur le monde de l'éducation.   En 1923 paraît "Le roseau pensotant", recueil de courts récits humoristiques et philosophiques.
De 1923 à 1925, Roorda se consacre à la publication des quatre volumes de son extraordinaire "Almanach Balthasar", compilation de ses billets signés Balthasar dans les journaux et revues. Entre temps, il écrit pour le théâtre ("Le silence de la bonne") et fait paraître un nouveau pamphlet "Le débourrage de crâne". Suivront ses deux derniers livres "Avant la grande réforme de l'an 2000" et "Le rire et les rieurs".
Autant humoriste que philosophe et pédagogue, Roorda rédige ses essais comme ses chroniques, avec style, y instillant souvent un humour caustique, usant de son sens de l'ironie, sans oublier d'ajouter une dose de poésie et de tendresse. Ramuz et Edmond Gilliard, qui ne sont pas particulèrement connus pour leur humour, ont très vite reconnu son talent et l'ont accueili dans leur collection "Les cahiers vaudois" en publiant "Mon internationalisme sentimental" et "Le pédagogue n'aime pas les enfants".
Le silence qui entoure cet auteur et son oeuvre est pour le moins étrange. Dérangerait-il encore aujourd'hui? Il n'y aurait rien d'étonnant, ses critiques, notamment en ce qui concerne l'éducation sont, hélas, toujours d'actualité.
Henri Roorda se tira une balle dans le coeur en 1925, il avait 55 ans. Ecrivain jusqu'à la fin, il laissa un texte expliquant son suicide dans lequel une phrase nous a marqués tout particulièrement:
"L'individu est tout, pour que les choses soient belles, il faut d'abord qu'il existe un être vivant capable d'en sentir la beauté." 
Ce texte a été édité par ses amis en 1926.

Bibliographie non-exhaustive:
# Le roseau pensotant.Humour de tous les jours. (Mille et une nuits).
# Le pédagogue n'aime pas les enfants. (Mille et une nuits).
# Le rire et les rieurs suivi de Mon suicide. (Mille et une nuits).

Sur Henri Roorda:
# Henri Roorda ou le zèbre pédagogue. Hugues Lenoir. (Editions du Monde Libertaire)

  

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