vendredi 27 janvier 2012

PEINTURE / JEAN RUSTIN.

Jean Rustin, né en 1928, est de 1944 à 1971 un peintre abstrait qui sera assez vite reconnu. Une rétrospective de son oeuvre est organisée au Musée d' Art Moderne de la ville de Paris en 1971. Cette exposition (pas moins de 150 toiles) aurait pu être l'apogée d'une carrière, elle est pour lui un choc. L'ensemble lui laisse un goût amer: il trouve soudain ses toiles trop "belles", trop "colorées" et surtout trop "faciles".
Après quelques tâtonnements, il se met à la peinture figurative. Cette rupture brutale coupe les ponts entre le peintre et les galeries avec lesquelles il travaillait et il ne vend plus rien. Ce n'est qu'en 1985 qu'un jeune marchand belge lui propose de lui acheter toute sa nouvelle production, y compris les dessins et les aquarelles. Il revendra à des prix incroyablement élevés une peinture très difficile à placer. En effet, les toiles de Rustin représentent désormais de hommes et des femmes accablés, presque désespérés, quasiment toujours nus ou très peu habillés.Tous ces personnages troublants sont enfermés dans des pièces dépouillées. Seule la présence d'un interrupteur, d'une prise électrique ou d'une ampoule rompt la monotonie des murs de ces cellules. Les hommes et les femmes se ressemblent tous et semblent souvent hébétés, ils regardent le spectateur en face, emprisonnés dans leur solitude, leurs chairs sont flasques et portent tous les stigmates de la maladie ou de la vieillesse. De plus, la palette de Jean Rustin est d'une tonalité presque grise, mélange de bleu, de terre de Sienne et de blanc.
Beaucoup de spectateurs sont choqués en découvrant une peinture aussi crue, quelques-uns ont même un mouvement de recul devant ces regards lointains et ces corps sans fard. Certains sont allés jusqu'à accuser Rustin de pornographie! Il est intéressant de noter que personne ne reste indifférent quelles que soient les réactions, ce qui prouve que cette peinture possède une force peu commune. Elle nous tend un miroir qui nous renvoie à nos zones obscures, à notre condition humaine. Ceci pourrait n'être que dérangeant si une vraie poésie ne se dégageait pas de chaque toile et si l'on ne sentait pas la tendresse du peintre pour ses personnages. 
Jean Rustin au-delà de l'esthétique nous fait partager l'histoire de notre fragilité d'êtres humains et ce n'est pas le moindre de ses mérites .
Pour mieux connaître son oeuvre, nous vous invitons à visiter le site de la Fondation Jean Rustin : http://www.rustin.be/ .
Quelques livres vous feront entrer plus profondément dans l'univers de ce peintre hors du commun :
# Jean Rustin. (Editions Virgile).
Bernard Noël, Claude- Louis Combet, Henri Cueco .... donnent leur sentiment sur l'oeuvre.
# Jean Rustin. L'humanité en partage.
Cahier d'exposition publié à l'occasion du "Printemps Jean Rustin en Suisse romande".
# Jean Rustin. La quête de la figuration.(Editions A la croisée).
Une série d'entretiens avec Daniel Mandagot.


jeudi 26 janvier 2012

MUSIQUE / "La valeur du vide". ESTHER BURNS.

"La valeur du vide" est un album venu de nulle part et qui ne ressemble à nul autre. Vouloir le classer dans un style ou un genre serait peine perdue. Où ranger une musique de film sans film sinon celui que l'auditeur crée au fil d'une ligne de piano mélancolique, d'un éclair de guitare strident, d'un orage qui gronde au loin tandis que le grincement d'une balançoire rythme le chant de la pluie ? Où ranger un disque dans lequel les voix sont celles d'Antonin Artaud, de Philip K. Dick, de Charley Patton ou celle d'une hôtesse qui demande aux visiteurs d'un aquarium de ne pas déranger les poissons, un disque dans lequel le vent emporte le son d'une fanfare, dans lequel les clochettes des vaches côtoient le rythme lancinant des machines ?
La solution est certainement celle que nous avons adoptée: ne pas le ranger puisque de toute façon on le sortira souvent, même si "La valeur du vide" ne fait pas partie de ces disques que l'on met en sourdine en discutant devant un apéritif ! Ce serait d'ailleurs une très mauvaise idée: sa présence et son relief auraient tôt fait d'envahir l'espace et de couper court à toute velléité de divertissement. Cette musique  est une musique que l'on écoute, pas de celles vouées à faire patienter le client au téléphone ! Au-delà de la musique que vous pouvez découvrir sur http://www.myspace.com/estherburns ou http://www.estherburns.com/, une deuxième bonne surprise attend l'acquéreur, l'objet en lui même. La pochette est un modèle du genre, belle et sobre à la fois.
"La valeur du vide" a été enregistré et mixé "at home", il est limité à 300 exemplaires numérotés, une raison de plus pour vite le commander sur le site du groupe www.estherburns.com (prix: 15 euros, port compris).

 


mercredi 25 janvier 2012

LITTERATURE / " Le poids du papillon " . ERRI DE LUCA .

C'est avec son dernier livre "Le poids du papillon" (Gallimard 2011) que nous avons découvert cet immense écrivain. Nous rattrapons le retard en dévorant jour après jour les nombreux romans, nouvelles et essais édités depuis le début des années 90. Nous y reviendrons.
"Le poids du papillon" est un superbe conte, presqu'une  parabole, d'à peine 70 pages. L'écriture épurée et d'une rare poésie raconte un étrange duel entre un braconnier et un chamois qui se connaissent depuis longtemps et savent tous deux que leur temps est désormais compté.
Au-delà de cette histoire tragique, c'est de la nature, de la solitude, de la vieillesse et de la mort que nous parle Erri De Luca, avec des mots et des silences qui n'appartiennent qu'à lui .UN GRAND LIVRE .