mercredi 28 mars 2012

MUSIQUE / Wintermusik. NILS FRAHM. (Erased Tapes Record)

Nils Frahm est un jeune pianiste allemand de formation classique basé à Berlin. Sa musique peut s'apparenter au néo-classique minimaliste et expérimental mais cette étiquette ne doit pas effrayer ceux qui, tout simplement, aime la musique. Celle - là va droit au coeur par sa délicatesse et sa capacité émotionnelle.
Wintermusik est un album on ne peut plus intimiste. En effet il avait été initialement enregistré à quelques exemplaires par Nils Frahm pour sa famille et ses amis en cadeau de Noël! Il a donc enregistré seul piano, celesta et orgue.
L'album s'ouvre avec "Ambre", courte pièce très mélodique qui débute au piano avant de  s'enrichir de quelques note de celesta. Suit "Tristana", un long morceau de 17 minutes d'une gravité sereine. Cette fois, c'est au tour de l'orgue de venir s'ajouter au piano, un orgue aux accents d'accordéon mélancolique pour une musique toute en nuances. Le 3ème morceau, "Nue", plus enlevé, ferme un album d'une grande beauté que nous vous invitons à découvrir. En ce qui nous concerne, depuis sa découverte nous croyons de nouveau au Père Noël! 


 

jeudi 15 mars 2012

MUSIQUE / This is a Velvet Underground song that I'd like to sing. RODOLPHE BURGER. (Dernière Bande).

Rodolphe Burger et Kat Onoma ont toujours été très influencés par The Velvet Underground, même s'ils ont su affirmer leur propre personnalité dans une oeuvre très originale. Ceci est sans doute dû au fait qu'ils aient été plus inspirés par la démarche de ce groupe fondateur que simplement par sa forme. Rodolphe Burger écrit dans ses notes de pochette qu'il "pensait avoir tourné la page du rock'n roll vers l'âge de 20 ans" lorsqu'il a découvert le Velvet. Il s'est alors rendu compte que "le rock n'était pas seulement une histoire de teenagers mais qu'il était peut-être l'art contemporain par excellence". Il a donc décidé de "refaire" de la musique avec le talent que l'on sait. Longtemps il a reporté le moment de rendre hommage au Velvet. Comme tout finit par arriver, voici donc "This is a Velvet Underground song that I'd like to sing". Curieusement, Rodolphe Burger  n'a pas ressenti le besoin de recréer complètement les chansons. Il est resté très respectueux de leur forme primitive même si, bien sûr, il y a mis sa patte, sa voix et le son bien particulier de sa guitare. On a l'impression d'entendre un Velvet qui se serait formé en 2012! Souvent, hélas, en écoutant des "tribute", on se dit qu'il aurait mieux valu que les interprètes s'abstiennent plutôt que d'être en dessous de l'original. Ce n'est pas le cas avec cet album.
Burger a tout compris à cette musique et lui insuffle sa propre énergie . Sa fidélité au modèle ne nuit en rien à son originalité.
Un très bon album qui pourra amener ceux qui ne connaissent pas ou mal le Velvet à le découvrir car, contrairement à ce que l'on croit, les groupes "mythiques" font plus l'objet d'interminables baratins que de véritables écoutes!

Site: rodolpheburger.com



D'autres vidéos sont disponibles sur You Tube.


vendredi 9 mars 2012

LITTERATURE / Dans un instant. SYLVIANE CHATELAIN. (Bernard Campiche Editeur)

Nouvelle après nouvelle, livre après livre, Sylviane Chatelain ne cesse de nous étonner, de nous bousculer et de nous émouvoir. Ses histoires nous hantent comme nous hantent parfois des jours entiers nos rêves ou nos cauchemars. Son écriture s'apparente d'ailleurs au rêve. Tout commence par une description ou une situation anodines, un pot de géraniums qui disparaît, une robe de mariée abandonnée dans un couloir, un livre effeuillé par le vent, un chat qui ronronne sous les caresses... et puis, soudain, sans que nous nous rendions vraiment compte de ce qui s'est passé, nous sommes transportés dans un monde parallèle. La vie bascule sous le poids d'un événement qui paraissait insignifiant et rien ne sera plus jamais pareil. Même le vague souvenir qui jusque là semblait presque oublié resurgit avec une force inouïe et peut devenir une obsession pleine de regrets, la moindre image fugace prend d'un coup des couleurs et un relief inattendus, passé et présent se confondent. Les personnages découvrent une face d'eux- mêmes qu'ils  ne connaissaient pas, il n'est pas rare que le lecteur fasse la même découverte et interrompe sa lecture pour écouter l'écho qui résonne en lui.
On ne sort jamais indemne d'un livre de Sylviane Chatelain, chaque nouvelle de "Dans un instant" apporte son lot de questions sur la vie, la mort, l'espoir, le remord, l'exil, la vieillesse, la solitude... en un mot la condition humaine. Toutes ces questions sont amenées subtilement par une écriture qui sait ménager une part de mystère, une écriture impressionniste qui laisse au lecteur sa propre part de réflexion et d'interprétation.
Encore un grand livre d'un écrivain  trop confidentiel malgré une oeuvre d'une originalité peu commune.

Bibliographie:
# Les routes blanches. Nouvelles.Editions de L'Aire. .
# La part d'ombre. Roman. Bernard Campiche Editeur.
# De l'autre côté. Nouvelles. Bernard Campiche Editeur.
# Le manuscrit. Roman. Bernard Campiche Editeur.
# L'Etrangère. Nouvelles. Bernard Campiche Editeur.
# Le livre D'Aimée. Roman. Bernard Campiche Editeur.
# Une main sur votre épaule. Roman. Bernard Campiche Editeur.

Site de Sylviane Chatelain:
sylvianechatelain.ch

mardi 6 mars 2012

LITTERATURE / Le cadre et le clou. Notes d'atelier. BERNARD ASCAL. (Editions Rhubarbe).

 Depuis toujours Bernard Ascal développe en parallèle la musique,  l'écriture et la peinture. Il a rassemblé dans ce recueil les notes écrites à la hâte sur un coin de table de son atelier entre le milieu des années soixante et quatre vingt dix. Mouvements d'humeur, doutes, colères, espoirs, questionnement sur son activité de peintre constituent l'essentiel de ces notes. Durant cette période, la mort de la peinture de chevalet était non seulement annoncée mais programmée. Qu'importe, Bernard Ascal, irréductible, continua malgré tout son travail. Il aurait pu être amer, ce serait mal le connaître. Ses convictions politiques, son sens de l'humour et de l'auto-dérision font que ses réflexions sont souvent autant poétiques que drôles.
"Si je ne suis pas à la hauteur de mes ambitions qu'au moins la quantité limitée de mes oeuvres témoigne de mon souci de ne pas polluer l'entourage."
C'est cette distance qui donne toute la saveur de ce livre illustré par l'auteur.
Nous profitons de cette chronique pour vous rappeler deux des livres précédents de Bernard Ascal. Un cul de sac dans le ciel, suite de réflexions sur la randonnée en montagne sorti en 2008 (Editions Rhubarbe) et Le gréement des os, très beau recueil de poèmes sorti en 2010 (Le temps des cerises).
Si votre libraire est dans l'impossibilité de vous commander ces livres vous pouvez vous   les procurer aux adresses suivantes: 


commandes@editions-rhubarbe.com

ou:

Bernard Ascal
1 rue du vieux pressoir
77230. Saint Barthélémy.

Site de Bernard Ascal:

jeudi 1 mars 2012

ARTS PLASTIQUES / "Mon livre d"heures", "La ville". Frans Masereel. (Editions cent pages. Cosaques)

Frans Masereel naît en 1889 en Belgique dans une riche famille flamande. A l'âge de dix-huit ans il commence à étudier le dessin et la peinture à l'Ecole des Beaux Arts de Gand. En 1909, il voyage en Angleterre et en Allemagne où il découvre la gravure sur bois. Il s' établit à Paris en 1911 mais, résolument pacifiste, il gagne la Suisse au moment où éclate la première guerre mondiale. Il travaille comme graveur pour des journaux et des magazines. Ses gravures sont déjà fortement inspirées de sa révolte contre l'injustice sociale qu'il dénonce depuis qu'il a côtoyé la pauvreté durant ses études. Parallèlement à ce travail, il publie des albums condamnant les militaires, la guerre et les marchands d'armes. ("Debout les morts","Les morts parlent"). Il fait la connaissance de Romain Rolland, Emile Verhaeren, Barbusse et Stefan Zweig , tous écrivains ou poètes convaincus de l'inutilité de la guerre. Il illustre nombre de leurs oeuvres. Au cours de sa vie il sera également l'illustrateur des plus grands: Victor Hugo, Baudelaire, Tolstoï, Walt Withman, Oscar Wilde etc.
De 1917 à 1920, il participe à "La Feuille", un quotidien indépendant qui fustige allègrement militaristes, nationalistes, colonialistes et marchands d'armes. Avec le typographe anarchiste et insoumis Claude Le Maguet, il fonde la revue pacifiste "Les Tablettes" qu'ils réussiront à sortir régulièrement jusqu'en 1919. Toujours menacé de poursuites par l'armée belge, Masereel revient en France en 1921. Il réalise ses célèbres vues de Montmartre. En 1925, il compose "La ville", cent bois gravés qui montrent la pauvreté du peuple face à l'arrogance des nantis, puis en 1927 sort "L'idée", qui provoquera l'enthousiasme des antinazis allemands, notamment de Thomas Mann qui préfacera plusieurs de ses ouvrages. Il s'engage de plus en plus complètement dans le mouvement antifasciste. En 1932, il participe au congrès d'Amsterdam contre la guerre et le fascisme.
Comme beaucoup de ses contemporains, il croit un moment à la " révolution" russe mais il prend bientôt ses distances avec les "Staliniens" qui aiment beaucoup le réalisme social de son travail. L'homme est trop épris de liberté pour se laisser piéger par quelque dogme que ce soit.
En 1937, il travaille à de monumentales décorations murales pour le pavillon de la Belgique et pour celui de Paris à l'Exposition internationale de Paris. En juin 1940, fuyant les troupes allemandes, il s'installe à Avignon puis à Nice (où il mourra en 1972) continuant à graver sans cesse. Il ne jouira d'une notoriété internationale qu'à partir de 1950.
Si Masereel fut un très bon peintre, il est surtout connu pour ses innombrables bois gravés, une technique du XIVème siècle dont il fut un véritable rénovateur grâce à son langage plastique très particulier. Il abandonne tous les effets utilisés depuis le XVème siècle pour s'en tenir uniquement aux durs contrastes du noir et blanc. Il a su adapter la technique à son dessin expressionniste et à son univers. Il a réussi à faire partager au plus grand nombre ses idées de liberté, de justice et de paix, son monde à la fois plein de rage et de poésie avec ses "romans" dessinés. Thomas Mann dira de lui : "C'est le coeur, ce fichu coeur d'homme, qui le forçait à vivre, qui l'a parasité toute sa vie, qui l'a fait aimer et souffrir, protester avec ses rires et ses pleurs contre toute erreur ou fausseté, toute bassesse et indifférence."
Les livres de Frans Masereel sont hélas aujourd'hui édités avec parcimonie et souvent vendus à des prix prohibitifs. Ce n'est pas le cas de ceux que nous présentons ici. En 1927,
Thomas Mann écrivait dans la préface d'une édition bon marché de "Mon livre d'heures" : "... et l'idée de le rééditer, de le livrer enfin de son existence ésotérique sur japon impérial, et de le démocratiser en le rendant abordable à l'ouvrier, au jeune chauffeur, à la petite téléphoniste, paraît on ne peut plus naturelle, plus juste. Entre leurs mains il trouvera sa véritable place, bien plus qu'entre celles des snobs, et je me réjouis d'avoir à l'introduire auprès de ce public."
Ces deux petits livres vendus environ 20 euros sont un régal pour les yeux et l'esprit. De plus ils résument parfaitement l'oeuvre de Masereel, tant par les thèmes abordés que par la technique utilisée. Il n'est peut-être pas inutile de dire que "Mon livre d'heures" était un de ses livres que l'auteur préférait.