vendredi 24 mai 2013

LITTERATURE. JON KALMAN STEFANSSON. (Gallimard).


Jon Kalman Stefansson naît à Reykjavic en 1963 d'un père maçon et d'une mère femme au foyer. Il y passe une partie de son enfance jusqu'à ce que son père et sa belle-mère (sa mère est décédée à l'âge de 30 ans) déménagent à Keflavic. Il interrompt son cursus scolaire obligatoire à 16 ans et part travailler dans une usine de poissons. Il reprend des études trois ans plus tard pour devenir astronome tout en continuant son travail. A 23 ans, il devient... policier à l'aéroport de Keflavic. Il avait posé sa candidature en apprenant que ce travail de surveillance lui permettrait de lire tout en étant payé!
Peu à peu, il prend conscience que l'écriture est sa voie. Il commence à faire des articles traitant de littérature pour un magazine et publie deux recueils de poésie à compte d'auteur avant de trouver un éditeur pour un recueil de nouvelles. Plusieurs romans se succèdent avant l'écriture de Entre ciel et terre, premier volume de ce qu'on appellera, faute de mieux, la trilogie du gamin. Les trois volumes ne sont en fait qu'un seul roman et il est conseillé au futur lecteur de les lire dans l'ordre de leur parution. Entre ciel et terre, La tristesse des anges et Le coeur de l'homme sont les seuls livres de l'auteur à être traduits (magnifiquement) en français. Le moins que l'on puisse dire est que nous avons beaucoup de chance de pouvoir découvrir cette écriture d'une fascinante beauté. Jon Kalman Stefansson est un conteur extraordinaire, il sait comme personne camper des personnages à la fois attachants et énigmatiques, au destin souvent tragique. Son récit habité par la mythologie islandaise n'en est pas moins universel par les thèmes qu'il aborde: la vie, la pauvreté, la maladie, l'injustice, la mort, la solitude, l'amitié et l'amour. Il fait des petites gens, des gens ordinaires, de véritables mythes. Son monde n'a pas de frontières: la frontière entre la vie et la mort est aussi floue que celle de la mer et du ciel, l'horizon se confond avec les nues quand se lèvent les interminables tempêtes de neige qui transforment le paysage en désert blanc où rôdent les fantômes et où les hommes se perdent,  ces hommes qui meurent parfois d' avoir été bouleversés par un poème. Car c'est cela aussi Stefansson, une poésie omniprésente. "La poésie habite  beaucoup plus de lieux que ne le soupçonnent la plupart des gens, tout le monde ne la décèle pas." disait-il à Thierry Guichard dans Le matricule des anges, ajoutant : "Et il nous  incombe d'être constamment en quête du poétique et de mettre son énergie en mouvement: la poésie n'est-elle pas la source d'énergie la plus puissante du monde, la plus inépuisable, celle qui est toujours là? La seule chose nécessaire pour la libérer, ce sont quelques mots. Et des yeux."
Jon Kalman Stefansson nous donne les mots et des images inoubliables, à nous de faire l'autre partie du chemin. Un grand écrivain est né. En sortant presque malgré nous de cette trilogie, nous ne souhaitons qu'une chose: la traduction des autres textes de l'un des auteurs les plus marquants de ce début du XXIème siècle. 
Nous conseillons vivement à ceux qui voudraient en savoir plus sur l'auteur de se procurer le numéro 139 (janvier 2013) du matricule des anges qui lui consacre un dossier de 10 pages. Le site:    http://www.lmda.net/