jeudi 18 décembre 2014

POESIE. JAMES KOLLER.

Photo Patricia Coignard
Un grand poète vient de nous quitter en la personne de James Koller. L'homme était aussi attachant que sa poésie et nous regretterons son sourire et son regard malicieux.
James est né en 1936 dans l'Illinois  , état dans lequel  il passera son enfance avant de gagner, au cours des années 60, la côte Pacifique. Avec d'autres passionnés de poésie, il fonde  à San Francisco Coyote Books et le Coyote's Journal qui publieront, parmi beaucoup d'autres poètes, Allen Ginsbergh, Joanne Kyger et Gary Snyder. On le retrouve ensuite à Santa Fe puis dans le Maine où il  passera le reste de sa vie quand il ne sera pas sur la route.
Son premier recueil de poèmes, Two Hands, sort en 1965. D'autres suivront bientôt et en 1976 il est invité en Angleterre au Festival de poésie de Cambridge. C'est le début de ses tournées en Europe  avec Franco Beltrametti et avec son ami songwriter qui vit en France, Governor Clay. Il travaillera avec de nombreuses personnes dont le poète-performeur Julien Blaine. Photographe et peintre, il exposera aux États Unis et en Italie. Il est aussi romancier et essayiste et s'impliquera avec conviction dans les mouvements écologistes. 
Mais l'homme a vécu si intensément qu'il est impossible ici de citer tous les endroits qu'il a visités et tous les artistes avec lesquels il a collaboré. Beaucoup de ses écrits ont été traduits en allemand, en italien, en espagnol et en suédois, trop peu, hélas, l'ont été en français.
Ancrée dans le quotidien et la nature avec laquelle il vivait en symbiose, la poésie de James Koller est une poésie faussement simple traversée d'une spiritualité animiste. Ses textes sont le fruit de l'interaction entre le monde extérieur et la perception du poète. Pour lui il n'y a pas "la" réalité mais "sa" réalité, la réalité physique et celle de son esprit et de ses rêves ne font qu'une. Il n'est pas rare que les morts qu'il a connus apparaissent tout naturellement dans ses poèmes. Les animaux sont aussi très présents, ces animaux auxquels il disait pouvoir s'identifier,  considérant qu'ils ont les mêmes problèmes que les humains. Le thème du hasard revient souvent, les rencontres fortuites et les événements inattendus parsèment son oeuvre. Dans un entretien avec Claire Millerioux pour l'excellente et regrettée revue New!, il déclarait que "personne n'a le pouvoir d'anticiper tous les effets d'un acte". Il citait volontiers Le hasard et la nécessité de Jacques  Monod pour expliquer sa vision du hasard. James étant très intéressé par la musique folk, ses poèmes tout en ayant leur propre musicalité, se prêtent très bien au chant comme le prouve de façon admirable Moonlight and Snow tour à tour dit par James lui-même et repris au chant par Governor Clay sur l'album Clay, The Avalon Songbook.
Son fils, Bertie Koller est un songwriter, il a souvent accompagné les lectures de son père au banjo et à la guitare. Sa démarche prolonge le travail de James de belle façon. 
Les nons-anglophones risquent d'être obligés de se livrer à un véritable parcours du combattant pour se procurer les traductions des textes de James Koller, voici quelques renseignements qui pourront les aider dans leur recherche en attendant que les démarches entreprises pour faire mieux connaître ce poète en France aboutissent. 
# Le loup affamé (The Hungry Wolf),  recueil d'une cinquantaine de textes a été édité par Coyotaiou. Edition bilingue anglais/français. Traduction de Jean Monod.
# Et nous les os = The bone show. Autre recueil traduit lui-aussi par Jean Monod et édité par La main courante.
# Une vingtaine de textes ont été traduits en français dans le No 2 du magazine New! (2006).
# Un poème a été traduit dans le No 3 du même magazine.
# On peut entendre un texte en français dit par Governor Clay sur son album live Ancestors at the door .
Des liens intéressants:  

https://soundcloud.com/bertiekoller
governorclay.bandcamp.com/
crowstalktohim.blogspot.com 
  

James Koller et Governor Clay. Photo Patricia Coignard.










BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE DE JAMES KOLLER


  • Snows Gone By (2004)
  • Ashes & Embers / Ceneri e Brace (English with Italian translation by Anna Ruchat, 2004)
  • Looking For His Horses (2003)
  • Crows Talk To Him (2003)
  • Un Reading di Poesie, with Gary Snyder (English with uncredited Italian translations, 2002)
  • Close To The Ground / Vicino Alle Origini (English with Italian translation by Eva Fuso, 2000)
  • Iron Bells / Cloches de Fer (English with French translation by Jean Monod, 1999)
  • The Bone Show (English with Italian translation by Etain Addey, Maurizio Castelluci and Giuseppe Moretti, 1999)
  • Travaux de Voirie, selected poems in English from "Road Work" (1997)
  • This Is What He Said, poems and graphics (1991)
  • Roses Love Sunshine (1989)
  • A Gang Of Four, poems and artwork by Franco Beltrametti, Julien Blaine, James Koller and Tom Raworth (1989)
  • Graffiti Lyriques, poems and artwork by Franco Beltrametti and James Koller (1987)
  • Fortune (English with Italian translations by Franco Beltrametti, 1987)
  • Openings (1987)
  • Give The Dog A Bone (1986)
  • Great Things Are Happening / Grossartige Dinge Passieren (English with German translation by Stefan Hyner, 1984)
  • One Day At A Time (1981)
  • Back River (1981)
  • O Didn't He Ramble / O Ware Er Nicht Umhergezogen (English with German translation by Stefan Hyner, 1981)
  • Andiamo, poems by Franco Beltrametti, Harry Hoogstraten and James Koller (1978)
  • Messages / Botschaften (German translation by Michael Kohler, 1977)
  • Poems For The Blue Sky: Selected Poems 1959-72 (1976)
  • Bureau Creek (1975)
  • California Poems (1971)
  • I Went To See My True Love (1967)
  • The Dogs & Other Dark Woods (1966)
  • Some Cows, Poems Of Civilization & Domestic Life (1966)
  • Brainard & Washington Street Poems (1965)
  • Two Hands, Poems 1959-61 (1965)


samedi 29 novembre 2014

BD. MEZZO /J.M.DUPONT. LOVE IN VAIN. (Glénat)

Si quelqu'un doute encore que la BD est un art, nous l'invitons à feuilleter ce superbe ouvrage! Chaque planche en noir et blanc est une oeuvre d'art à part entière, certains dessins tirés en pleine page au format à l'italienne absorbent totalement le regard. Les cadrages, empruntent à la photo ou au cinéma et chacune des images est remarquablement travaillée. Un cahier d'une quinzaine de pages nous fait découvrir en bilingue quelques textes de Robert Johnson illustrés de magnifiques fusains.
Le scénario est tiré de l'histoire du musicien mort à 27 ans (en 1938), certainement empoisonné par un mari jaloux . Ce bluesman légendaire est entouré de mystère, on connaît peu sa vie et seules deux photos le représentant ont été retrouvées à ce jour. Abandonné par son père avant de l'être par sa mère, ayant perdu très jeune sa femme et son enfant lors de l'accouchement, cet écorché vif ne trouvera un peu de réconfort que dans la musique, l'alcool et les femmes. Ce réconfort sera à la fois son remède et son mal. Il courra toute sa courte vie après un idéal inatteignable. La légende dit qu'il devait son talent au diable (ou plutôt à papa Legba, son équivalent dans le vaudou) auquel il aurait vendu son âme.
Tous les ingrédients semblaient donc réunis pour écrire un scénario facile. Ce n'est pas ce qu'ont choisi les auteurs de Love in vain. Ils s'en sont tenus aux faits connus et ont étoffé leur sujet en peignant une véritable chronique de la vie quotidienne des descendants d'esclaves dans l'Amérique raciste des années 30. Les décors sont saisissants de vérité, qu'il s 'agissent des villages , de la campagne du Mississippi ou de ceux des grandes villes. Les scènes d'intérieur font l'objet d'un dessin fouillé qui ne laisse rien au hasard. Ils ne se sont pas non plus laissés piéger par le mythe, ils ont fait de Robert Johnson un homme, tout simplement, un homme solitaire avec des souffrances d'homme pour lequel on ne peut qu'avoir de l'empathie. Le résultat est un superbe hommage à celui qui a inspiré Bob Dylan, Les Rolling Stones, Eric Clapton, Led Zeppelin, Johnny Winter et beaucoup d'autres.

samedi 11 octobre 2014

LITTERATURE. La Boisselière. SYLVIANE CHATELAIN. (Bernard Campiche Editeur).

L'univers de Sylviane Chatelain oscille toujours  entre rêve (cauchemar?) et réalité. Il est peuplé de présences fantomatiques et de bâtisses étranges. Les souvenirs baignent dans un flou impressionniste et sont souvent incertains.
Avec La Boisselière, l'auteure pousse encore plus loin  le mystère. Un titre énigmatique, un narrateur qui voit l'histoire et les mots lui échapper, les personnages qui disparaissent entre le début et la fin du roman, des personnages dont on ne sait ni d'où ils venaient ni où ils sont allés. Peut-être ne sont-ils que le fruit de l'imagination?
Robert, Hélène, Henriette, Sarah et les autres se sont réfugiés dans une ancienne maison de retraite, mais à qui et à quoi essaient-ils d'échapper? Il semblerait que les agglomérations du pays (quel pays?) sont dangereuses. Qu'est-il arrivé? Au milieu du roman, trois individus louches frappent à la porte. Bientôt ils ne veulent plus quitter la maison dans laquelle ils empoisonnent la vie des anciens locataires. Qui sont-ils? Que veulent-ils? Nous ne le saurons jamais. Nous savons si peu de choses que nous sommes surpris en refermant le livre de nous apercevoir que nous venons de le lire d'une traite, portés par une somptueuse écriture, fascinés par les personnages, ballottés par le vent, la pluie et la neige, habités par la vieille dame, Henriette,  qui, c'est sûr, hantera longtemps notre mémoire, une mémoire qui commence d'ailleurs à lui faire défaut. Henriette, dans cette atmosphère angoissante, est la seule à profiter encore des petits plaisirs de la vie, parcourant les couloirs et même la forêt avec une espèce d'insouciance presque fataliste, ré enchantant le monde, voyant dans une branche d'arbre qui  frôle sa fenêtre un ange gardien. Henriette, drôle de petite bonne femme, brille comme un soleil dans la beauté sombre de ce magnifique et sombre roman qui s'achève dans la neige qui tombe sans cesse, comme si elle voulait effacer toute trace de ce qui vient de se passer.
Qui d'autre que Sylviane Chatelain est capable de raconter pareille histoire avec un tel brio? Son écriture a quelque chose de magique, un indéfinissable pouvoir de fouiller le coeur des lecteurs qui se laissent emportés par sa poésie. De ce livre comme de ses précédents, on ne sort pas indemne.   
Le site de l'auteure:  http://www.sylvianechatelain.ch/
Le site de l'éditeur:  http://www.campiche.ch/

                                           BIBLIOGRAPHIE

- Les Routes blanches, nouvelles, éditions de l'Aire, 1986  
- La Part d'ombre, roman, Bernard Campiche Editeur, 1988. Prix Hermann Ganz 1989 de la Société suisse des écrivaines et écrivains. Prix 1989 de la Commission de littérature française du canton de Berne. Réédité aux éditions camPoche en 2005
- Schattenteil, (La part d'ombre, traduction allemande de Barbara Traber), Edition Hans Erpf, Bern/München, 1991. Publié en feuilleton dans la Neue Zürcher Zeitung
- De l'autre côté, nouvelles, Bernard Campiche Editeur, 1990. Prix Schiller 1991
- Le Manuscrit, roman, Bernard Campiche Editeur, 1993
- Das Manuskript, (Le Manuscrit, traduction allemande de Yla von Dach), eFeF Verlag, Bern, 1998
- L'Etrangère, nouvelles, Bernard Campiche Editeur, 1999. Lauréate Lettres-Frontières 2000
- Le Livre d'Aimée
, roman, Bernard Campiche Editeur, 2002. Prix de la Bibliothèque pour tous 2003. Prix 2004 de la Commission de littérature française du canton de Berne (également pour l'ensemble de l'œuvre). Réédité aux éditions camPoche en 2009
- Une main sur votre épaule, roman, Bernard Campiche Editeur, 2005. Lauréate Lettres-Frontières 2006
- Dans un instant, nouvelles, Bernard Campiche Editeur, 2010. Sélection le Roman des Romands
- Nouvelles et contes parus dans la presse et différentes revues de Suisse, Canada, Roumanie, Belgique et Russie.

- La Boisselière, roman, Bernard Campiche Editeur, 2014

mardi 23 septembre 2014

EVENEMENT. 13ième édition des PEREGRINATIONS LITTERAIRES. Du 8 au octobre 2014.

 
Laurence Vielle. Pérégrinations littéraires 2013. Photo G.Chagrot.
C'est sur le thème de "la frugalité joyeuse" que se déroulera la (déjà) 13ième édition de cette belle fête de la poésie. Les voix des poètes résonneront dans le Parc naturel régional du Haut-Jura. Balades, lectures en pleine nature ou chez l'habitant, musique, dégustation de produits locaux, rencontres... tout est réuni pour remettre  la poésie à la place qui est la sienne: au coeur de la vie. Nous ne ferons pas une liste exhaustive des poètes et artistes invités mais nous tenons tout particulièrement à vous conseiller l'un des temps fort de cette manifestation, la restitution par Laurence Vielle (voir l'article sur ce blog dans la rubrique Poésie) et Claude Guerre du long poème en prose écrit à quatre mains lors de leur résidence dans les montagnes du Jura.
Renseignements et réservations sur le site
 http://www.sautefrontiere.fr/
Adresse postale: Saute Frontière. Cinquétral. 39200. Saint Claude. FR.

dimanche 31 août 2014

KEVIN COYNE

Certains artistes marquent à jamais notre vie. Pour nous, Kevin Coyne fait partie de ceux-là, alors, régulièrement, nous nous renseignons afin de savoir si un album aurait été réédité, si quelqu'un n'aurait pas retrouvé un enregistrement perdu ou un morceau de pellicule égaré! Il faut dire que nous vivons une époque de mémoire courte face à une production pléthorique et une consommation effrénée qui ont  souvent la fâcheuse habitude de laisser sur le bas-côté ceux qui ne remplissent pas suffisamment le tiroir-caisse. En recherchant ces renseignements, nous ne sommes pas à l'abri des mauvaises surprises. L'un des plus beaux enregistrements live de l'histoire du rock, In living black and white n'est toujours pas réédité, ni en vinyle ni en CD ( il est vendu d'occasion sur un site à un prix indécent).C'est également le cas pour Babble, Dynamite Daze, Sanity Stomp et les Peel Sessions. Beautiful Extremes etc. n'a, lui, jamais été édité en CD et n'est plus vendu en vinyle. 
Nous ne ferons pas une liste exhaustive, mieux vaut parler des bonnes nouvelles! On peut encore trouver le magnifique Case History, le chef-d'oeuvre Marjory Razorblade et (sur un seul CD) Pointing the Finger et Politicz ainsi que le coffret (4 disques) I Want My Crown. The Anthology 1973-1980. Des extraits de nombreux albums introuvables, des extraits de concerts (dont le légendaire Hyde Park) etc., un livret avec photos, interviews de Wyatt, Money, Gordon Smith et d'autres  qui ont travaillé avec Kevin en font un maillon indispensable pour la connaissance d'un artiste hors du commun. Ceux qui n'ont pas pu acquérir In living black and white peuvent se procurer le très bon Kevin Coyne:on air (Tradition et Moderne) enregistré en 1975 à Brême avec le même groupe: le complice Zoot Money (piano électrique et voix), Andy Summers (guitare et chant) qui connaîtra le succès quelques années plus tard avec Police, Steve Thompson (basse) et Peter Woolf (batterie). Bien sûr, il manque l'époustouflante improvisation de Kevin avec Zoot Money intitulée sur In living black and white Case History No 2 mais pour le reste, tout y est, les ballades, l'humour ravageur et les morceaux rocks aux guitares tranchantes. On retrouve Eastbourne Ladies, Saviour, Turpentine, Mummy, Sunday Morning Sunrise, la reprise de Knockin' On Heavens Door de Dylan et une version de plus de 7 minutes de House On The Hill à faire pleurer le plus endurci des auditeurs. Les concerts de Kevin étant toujours différents,le disque s'ouvre avec une chanson peu connue, Going Down Slow. En tout, 16 morceaux dont Poor Swine, My Mother's Eyes, Strange Locomotion, Nobody's Fault But Mine, One Fine Day, un curieux Ad Lib, Shangri-la et pour finir, Reelin'and Rocking.

En ce qui concerne la "période allemande" il est préférable de se rendre sur le site officiel 
Le choix est large et beaucoup d' albums sont moins chers que chez d'autres vendeurs.
Nous vous conseillons une fois de plus de consulter la Pascal' Kevin Coyne Page sur
Ce site est une mine d'or pour tout ce qui concerne l'artiste: bio, discographie, interviews, textes etc. 

 




dimanche 20 juillet 2014

LITTERATURE. Le tort du soldat. ERRI DE LUCA. (Gallimard).


Une petite auberge des Dolomites, un soir de juillet.  
 A une table, une femme d'une quarantaine d'années et un homme qui paraît être son père. Ils parlent en allemand avec un accent autrichien.
A une autre table, un Italien, escaladeur de montagnes et traducteur du Yiddish.
Le premier récit est celui du traducteur-grimpeur qui dit  son amour pour la langue et la littérature Yiddish,  parle de l' extermination du peuple qui s'exprimait à travers elles, il nous conte son pèlerinage à Varsovie et ses visites dans les vestiges des camps de la mort à la recherche de l' âme d'un peuple, il nous fait partager son plaisir d'escalader des roches "avec la lenteur d'un mollusque", il nous avoue sa "manie de voir de l' écriture partout", il se souvient de son enfance et décrit ses voisins de table qu' il observe en mangeant ses beignets.
Le second récit est celui de la femme de la table voisine qui, croyant un instant reconnaître dans l'auteur du premier récit le sourd-muet qui lui  "avait appris à flotter sans poids et puis à nager" lorsqu'elle était encore une fillette en vacances sur l' île d' Ischia, nous raconte son  enfance et son étrange vie avec l' homme qui l'accompagne, son père, criminel de guerre sans remords qui considère que son seul tort est d'avoir perdu la guerre.
Par la juxtaposition des deux récits, Erri De Luca en moins de cent pages, abordent quasiment tous les thèmes qui ont fait la beauté de son oeuvre depuis son premier livre et nous donne un éclairage très personnel sur les méandres de la barbarie nazie.
Le tort du soldat est un petit chef- d'oeuvre aussi fulgurant que profond.
Bibliographie non-exhaustive:
# Trois chevaux
# Montedidio
# Le contraire de un
# Essais de réponse
# Sur la trace de Nives
# Pas ici, pas maintenant
# Le jour avant le bonheur
# Tu, mio
# Le poids du papillon
# En haut, à gauche
# Les poissons ne ferment pas les yeux


mardi 20 mai 2014

MUSIQUE. TOWNES VAN ZANDT.

Il y a des artistes dont on oublie de parler tout simplement parce qu'on est persuadé qu'ils sont connus de tous, et puis, au hasard d'une conversation, on s'aperçoit que ce n'est pas le cas. Il faut dire que les disques de Townes Van Zandt sont si sombres et si intimistes qu'on les écoute généralement seul au cas où une larme nous échapperait.
Né dans le Texas en 1944, Townes Van Zandt souffre dès l'enfance de troubles psychologiques qui font de lui un introverti solitaire. Sa personnalité est restée un mystère pour tous ceux qui l'ont côtoyé. Dépressif chronique, il essayait d'exorciser son mal de vivre en se réfugiant dans l'alcool, les drogues et bien sûr la musique qu'il composait comme on respire. "Si je me trouvais à bord d'un bateau sur le point de couler, je serais prêt à composer une chanson, tout en sachant que personne ne l'écouterait jamais."
A l'âge de 15 ans, il se met à la guitare et écoute assidûment Lightin' Hopkins, Hank Williams et Bob Dylan.
En 1966, il s'installe à Houston et joue dans les bars et les clubs de la ville dont  le célèbre Old Quarter. C'est là qu'il va rencontrer de nombreux musiciens et plus particulièrement son idole Lightin' Hopkins qui aura une influence décisive sur son jeu de guitare. Il va y faire aussi la connaissance de Mickey Newbury, un folksinger texan qui l'emmène à Nashville et le présente au producteur de  Sun Record. Ce dernier le fait enregistrer et en 1968 le label Popy, qui signe Lightin' Hopkins, sort For the sake of the song. Si les onze compositions confirment l'immense talent de Townes, la production trop étoffée ne les met pas vraiment en valeur. Le son standardisé de Nashville ne sied pas au style d'un musicien inclassable qui s'opposera même très longtemps à la réédition de ce disque. Il part alors à New york puis en Californie où est enregistré le 2ème album,Our mother the mountain (1969). Encore une fois les chansons sont superbes mais les arrangements trop riches. Pourtant le succès pointe le bout de son nez... au Texas où l'homme est revenu en stop et en sautant dans les trains de marchandises. Moins d'un an plus tard sort un disque intitulé tout simplement Townes Van Zandt. Il y reprend trois des compositions du 1er album dont la magnifique Waiting around to die. Ce disque au dépouillement  salutaire est une merveille qui aujourd'hui encore n'a pas pris une ride. 1971 voit paraître Delta momma blues. Vient ensuite High,low and in the between (1972). Malgré cela sa carrière ne décolle pas. La même année, il enregistre The late great Townes Van Zandt dont le titre témoigne de son humour (très) noir. Entre temps, Emmylou Harris a entendu ses chansons et décide d'en reprendre quelques-unes dans son répertoire, apportant au Texan un peu de notoriété. Hélas, le label Popy s'apprête à déposer le bilan. Le songwriter ne baisse pas les bras pour autant et continue d'écrire d'excellentes chansons qui sont reprises par des artistes beaucoup plus connus que lui. Mais Townes ne va pas bien. Il sombre de nouveau dans l'alcool et la drogue et se retrouvera SDF pendant plusieurs années. Il est à deux doigts de toucher le fond quand il rencontre John Lomax, le petit-fils de l'archiviste du folk et du blues qui décide de l'aider. En 1977 sort ce qu'on peut considéré comme un chef-d'oeuvre, Live At Old Quarter, un double album live enregistré quelques années plus tôt à Houston. Il chante ses plus belles compositions seul avec sa guitare sèche et il est évident que sa musique n'a besoin de rien d'autre. Le live se vend plutôt bien comparé à ses précédents albums et Van Zandt retrouve le chemin des studios avec l'enregistrement de Flyin'shoes  en 1978. Une fois de plus le producteur n'a rien compris et en fait trop. L'album, malgré un vrai succès critique ne marche pas. Cette fois le musicien en a assez et disparaît, vivant en ermite dans la montagne. Il ne remettra pas les pieds dans un studio pendant dix ans. Mais il faut bien vivre, alors il descend de sa montagne pour jouer dans de petits clubs. Il trouve un public en Europe où il fait quelques tournées. En 1987 un label indépendant réussit à le persuader d'entrer en studio. At my window sort en 1987. Il est honnête mais le coeur n'y est plus. Townes Van Zandt fait figure d'artiste maudit et de nombreux musiciens de la scène alternative country en font une légende. En 1989 sort l'anthologie Pancho & Lefty. En 1992 Road songs est une très bonne surprise même si Townes Van Zandt ne chante aucune de ses chansons. Nous ne nous attarderons pas sur les nombreux live qui viendront ensuite, aucun d'eux n'approchera la perfection et l'émotion de Live at Old Quarter. No Deeper Blue (1994) sera le dernier album  studio du troubadour mais on est loin des pépites d'antan. Malgré une santé déclinante il tourne néanmoins en Europe. Il mourra le 1er janvier 1997 à l' âge de 52 ans d'une crise cardiaque, laissant derrière lui quelques dizaines de chansons extraordinaires dont certaines sont reprises par des musiciens aussi différents que Steve Earle, Cowboy Junkies ou Tindersticks. 

De la musique et de très belles vidéos sur le site

mercredi 23 avril 2014

HOMMAGE à GUY "BIX" BICKEL.

Guy "Bix" Bickel et Rodolphe Burger (1995)
 
 
Guy "Bix" Bickel, le trompettiste de Kat Onoma s'en est allé discrètement le 18 avril 2014 à Strasbourg. Discret, il l'était aussi au coeur du groupe, pourtant Kat Onoma n'aurait pas été Kat Onoma sans le son unique de sa trompette. Elle était, avec la guitare et la voix de Rodolphe Burger la marque de fabrique d'un des rares groupes français à pouvoir rivaliser avec les anglo- saxons. Il ne reste, hélas que des regrets... et les disques que nous vous invitons à découvrir ou à réécouter.

 
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D'autres vidéos de Kat Onoma sur le site www.rodolpheburger.com


samedi 19 avril 2014

MUSIQUE. EELS WITH STRINGS. Live At Town Hall. (Vagrant Records).

Tout a déjà été dit sur Eels, le pire comme le meilleur. Accusé de faire dans la facilité par certains, Mark Oliver Everett, l'âme et quasiment le seul membre officiel du groupe, s'est vu traité d'intellectuel et d'élitiste par d'autres! Il est vrai que l'artiste n'a pas son pareil pour perdre le fan et le critique dans ses expériences musicales hétéroclites et parfois surprenantes. Son goût de la provocation voire du sarcasme n'attire pas non plus la sympathie et la noirceur de ses textes surprend souvent le public même si l'humour et l'auto-dérision les traversent parfois. E est inclassable... et s'en moque. N'étant pas fans inconditionnels, à l'instar de Tom Waits qui attend chacun des nouveaux disques de Eels avec impatience (et qui a participé au double album Blinking Lights and Other Revelations), nous ne vous parlerons que de l'album dont chacun des titres nous fait vibrer et dont les critiques disent pourtant qu'il est réservé aux fans: Live At Town Hall.
Pour l'occasion E, aka Eels ou Mark Oliver Everett a baptisé son groupe Eels with strings. Accompagné par un quatuor à cordes, un orgue d'église, un piano, quelques instruments "rustiques" comme la scie et bien sûr sa guitare, il revisite son répertoire de façon magistrale et notamment de nombreuses chansons de Blinking Lights. Sa voix est plus rocailleuse que jamais et va droit au coeur. Les compositions dépouillées, débarrassées des synthés et pour la plupart de la batterie prennent une  dimension extraordinaire. Trois reprises émaillent le concert dont une superbe version de The Girl From The North  Country de Dylan.
Aucune joliessse dans cet album, juste une profonde émotion portée par un immense songwriter  et des musiciens exceptionnels.

Un DVD rend également compte de ce grand moment de musique.
Un nouvel album, The Cautionary Tales Of Mark Everett, sort la semaine prochaine.
Pour ceux qui voudraient mieux connaître l'homme, Tais-toi ou meurs, son autobiographie est sortie en 2011 chez "13ème Note Editions".

mardi 8 avril 2014

MUSIQUE. Copperhead Road. Train A Comin'. STEVE EARLE. (Uni Records)

La lecture des deux livres de Steave Earle nous a donné envie de réécouter une bonne partie de ses disques. Si l'ensemble est de haute tenue, Copperhead Road et Train A Comin' sont peut-être les deux albums qui résument le mieux son oeuvre, bien qu'étant deux facettes différentes de sa musique.
Après avoir écrit quelques chansons destinées à d'autres interprètes, Steve Earle enregistre Guitar Town (1986) salué par la critique qui le classe dans la case "néo-country". Cette même critique sera nettement moins enthousiaste à la sortie de Exit O (1987). L'album est trop rock pour Nashville. Cela n'empêche pas l'artiste de continuer sur le même chemin avec le très beau Copperhead Road qui oscille entre country-rock musclé et ballades acoustiques, le tout agrémenté de musique celtique. Le titre Johnny Come Lately est  enregistré avec The Pogues au grand complet,  Shane MacGowan compris. Chacunes des chansons est une totale réussite et l'ensemble a résisté au temps. La carrière de Steve Earle aurait pu véritablement démarrer avec cet album. Hélas, les années suivantes, la vie du songwriter va basculer pour finir par ressembler à une traversée de l'enfer. Il ne refera surface qu'en 1994 avec le superbe Train A Comin' avec lequel il revient à l'acoustique. Chacune des chansons pourrait être retenue pour figurer dans une anthologie du folk américain.
Depuis, Steve Earle continue sa route. Il a enregistré une quinzaine d'albums dont certains n'ont été que moyennement appréciés par les dirigeants politiques de son pays, comme le très controversé Jerusalem (2002). Il est vrai que le rebelle talentueux n'a pas pour réputation d' être consensuel et de flatter la bête dans le sens du poil!
 
SITE DE STEVE EARLE: www.steveearle.net
 
 
 

mardi 1 avril 2014

ARTS PLASTIQUES.Jean-Pierre Coutaz. SAMIVEL, Prince des Hauteurs. (Glénat et Musée d'Ethnographie de Genève).

Jean-Pierre Coutaz, professeur d'arts visuels et d'histoire de l'art pendant 35 ans est directeur au château de Saint-Maurice dans le Valais (Suisse). En 2007, il a monté l'exposition Samivel à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de l'artiste avec l'aide du Musée d'Ethnographie de Genève. Comme il le dit dans son avant-propos, les livres sur Samivel sont rares, raison de plus pour présenter ce très bel ouvrage abondamment illustré.
Paul Gayet-Tancrède à Paris en 1907, mort à Grenoble en 1992, Samivel prendra son pseudonyme dès l'âge de 20 ans. Il sera écrivain , poète, explorateur, dessinateur, aquarelliste, cinéaste, conférencier et photographe. Il accompagnera Paul-Emile Victor lors de sa première excursion au Groenland en 1948  et réalisera trois documentaires sur l'expédition, peindra des aquarelles et écrira un livre.
 Très tôt il engage une réflexion sur la place de l'homme occidental au sein de la nature, ce qui le conduira à combattre au côté de Théodore Monod pour la protection de la planète.  Ses dessins et ses aquarelles sont d'ailleurs parlants, même quand il ne dénonce pas, l'artiste montre la petitesse de l'homme devant les immenses espaces de la mer,  du désert et des paysages enneigés ou  face à une montagne grandiose. Il gardera toute sa vie une fraîcheur presque enfantine devant le spectacle de la nature et écrira d'ailleurs, parallèlement à ses récits et nouvelles, de nombreux livres pour enfants.
Le livre de Jean-Pierre Coutaz est plus particulièrement consacré à Samivel dessinateur et aquarelliste. Il est partagé en plusieurs parties correspondant aux thèmes de prédilection de l'artiste, la montagne, la foule, les contes et la mort. Les oeuvres sont d'une puissance évocatrice peu commune qui fait souvent penser aux estampes japonaises. Poésie , humour et émotion font bon ménage. Elles sont tirées de nombreux ouvrages de Samivel, ainsi que des livres qu'il a illustrés: La Grande Peur dans la montagne de C.F Ramuz, Villon Oeuvres complètes, Les Fables de La Fontaine ou Les Dynastes de Pierre Van der Meulen.   Chaque illustration est commentée de belle manière par l'auteur.
Ce livre donne envie de lire ou de relire tous ces livres juste pour le plaisir de regarder longuement les images!

dimanche 16 février 2014

LITTERATURE. STEVE EARLE. Les roses du pardon. Je ne quitterai pas ce monde en vie. (L'Ecailler) .

On connaissait Steve Earle songwritter rebelle et talentueux, on savait qu'il avait fait l'acteur, on avait entendu parler de sa vie agitée d'ancien toxicomane passé par la case prison mais il a fallu que le père Noël dépose dans nos souliers ces deux livre pour apprendre qu'il était aussi écrivain, et quel écrivain!
Steve Earle renoue avec la grande littérature américaine, celle que nous aimons, de Steinbeck à Carson Mc Cullers en passant par Tennessee Williams, une littérature loin du rêve américain, ancrée dans la vraie vie et qui nous raconte les destins des petites gens et des rejetés de la société: clochards, musiciens ratés, marginaux de toutes sortes. Les onze nouvelles de Les roses du pardon sont d'un réalisme noir mais non dénué d'humour et d'espoir. L'écriture d'une belle sobriété ne nuit en rien à l'émotion qui court tout au long de chacun de ces textes.
Je ne quitterai pas ce monde en vie est un roman ou plutôt un conte sombre et beau.
 South Side, banlieue sinistre de San Antonio abrite une faune hétéroclite de paumés, de toxicomanes, de dealer et de prostituées. Doc, ancien médecin qui a perdu le droit d'exercer, se débat dans les affres de la drogue. Pour se payer ses doses, il se fait avorteur et répare les dégâts des règlements de comptes, soignant les plaies de ceux pour lesquels un séjour à l'hôpital signifierait la fin de la liberté. Un jour débarque Graciela, jeune mexicaine sans papiers. Par sa bonne humeur et sa touchante naïveté, elle va non seulement changer la vie de Doc mais aussi celle de tout le quartier. Si le thème  peut sembler un brin gentillet, Steve Earle n'est pas homme ni auteur à tomber dans l'eau de rose. De son style percutant, il nous fait vivre l'enfer des drogues dures et la violence d'un milieu marginalisé, il nous montre l'hypocrisie d'une société puritaine qui laisse sur le bord du chemin tous ceux qui dérangent sa tranquillité, dénonce le cynisme de la religion et ne recule pas pour décrire la crasse et le sang des ghettos. Malgré cela, il nous offre un beau moment de grâce avec ce roman lumineux.
Un grand écrivain est né.
 

mercredi 5 février 2014

MUSIQUE. JASON MOLINA. SONGS:OHIA. MAGNOLIA ELECTRIC CO. (Secretly Canadian).

Il y a presque un an (le 16 mars 2013), Jason Molina quittait discrètement ce monde, détruit par les séquelles de son addiction à l'alcool qu'il avait vainement essayé de soigner. Discret, presque à l'excès, le musicien l'était depuis toujours. Né à Oberlin, Ohio en 1973, il commence à jouer de la basse dans différents groupes de heavy metal. Après quelques années, il décide de faire sa propre musique. Il s'autoproduit sous différents noms (Alban, Songs, Radix etc.) et vend lui-même ses albums lors des concerts. En 1996, il prend le nom de Songs: Ohia et forme un groupe à géométrie variable qui se modifie au gré des exigences de la musique qu'il veut créer. Le public et la critique se trouvent passablement désemparés devant le style changeant de l'auteur-compositeur guitariste et chanteur. On le classe dans l'indie rock, le lo-fi, le folk ou la alt- country suivant l'humeur du moment! Songs: Ohia, donc, enregistre un 1er album éponyme qui sort en 1997. La voix intense de Jason Molina, ses compositions inspirées, ses textes mélancoliques et son univers très personnel font que Songs: Ohia, à défaut d'atteindre la richesse et la gloire, devient un groupe culte dans les milieux spécialisés malgré (ou à cause de) la schizophrénie musicale de son leader qui se permet en plus quelques "récréations" en solo ainsi que quelques collaborations avec, entre autres, Will Oldham, Alasdair Roberts, Arab Strap ou Will Johnson. Le groupe enregistre une dizaine de disques dont le superbe Ghost Tropic, album épuré d'une sombre beauté, le crépusculaire Didn't it Rain et ses guitares en pleurs ou le lumineux Magnolia Electric Co qui sonne la fin de Songs: Ohia, Jason Molina décidant de baptiser le groupe du nom de cet album. Magnolia Electric Co sera accessible à un plus large  public et enregistrera cinq albums dont  le magistral Joséphine (2009). Depuis, les problèmes de santé avaient éloigné Jason Molina de la musique. En 2013, l'ultime album fera croire un instant à une renaissance, Autumn Bird Songs ne sera, hélas, qu'une compilation de démos (au demeurant très belles) sorties des fonds de tiroirs.
A la fin de l'année 2013, Secretly Canadian a réédité l'album Magnolia Electric Co. Un deuxième disque a été ajouté: les chansons interprétées en solo et enregistrées "at home" par un musicien exceptionnel. 
 
 
 
 

vendredi 17 janvier 2014

LITTERATURE. L'homme qui marche. YVES BICHET. (Mercure de France).


"Ancien pion au lycée agricole d'Embrun (Hautes Alpes), chemineau par passion et par mélancolie, pauvre par obligation, endurant par devoir, cocu par négligence, arpenteur et fuyard", c'est ainsi que se définit Robert Coublevie, devenu chemineau depuis que sa femme l'a quitté. Il marche inlassablement le long de la frontière Italie- France qu'il ne franchit jamais. Il en connaît chaque vallon, chaque détour , chaque torrent, chaque alpage. Il parcourt son sentier "immergé dans la beauté omniprésente". "Toute cette beauté dit-il, Elia et moi, on la boit des yeux...on la scrute, on la célèbre". Elia, c'est la petite chienne qui trottine derrière lui et à qui il a donné le prénom de celle qui fut sa compagne. Il ne se lasse jamais de son "bout de frontière" sauf lorsque le froid ou la pluie persistante l'obligent à descendre à la ville où il se réfugie au Café du Nord. Dans ce bistrot tenu par Sylvain Taliano, veuf et taciturne, il retrouve Mounir, le garçon, Tissot, l'agrégé des douanes, Tapenade l'alcoolo fainéant et surtout Camille, la fille du patron. Elle a seize ans,  "des cils de madone" et des secrets inavouables. Le chemineau solitaire s'attache à elle, il ne sait pas qu'elle va changer sa vie. En homme libre et bienveillant, il ira même jusqu'à se sacrifier pour la protéger et ne pas trahir ses secrets. Si ce livre contient une énigme policière, ce n'est pas ce qui intéresse l'auteur.  Son propos va bien au-delà des contingences. L'homme qui marche est un hymne à la vie, à la nature, à la joie et à la liberté que l'on n' oubliera pas.
Un grand livre.

Nous rappelons à votre mémoire  le magnifique Terres froides que nous avions chroniqué il y a bien longtemps, et qui était , lui, un hymne à l'enfance et à l'adolescence.
 
Bibliographie:
 
— La part animale (roman), éd. Gallimard 1994 / Folio 2007
— Le rêve de Marie (poèmes), éd. Le temps qu'il fait 1995
— Clémence (poèmes et proses), éd. Le temps qu’il fait 1999
— Le Nocher (roman), Fayard 2000
— Les terres froides (récit), Fayard 2000
— La femme Dieu (roman), Fayard 2001
— Chair (roman), Fayard 2002
— Le Papelet (roman), Fayard 2004
— La Papesse Jeanne (roman / réédition en un volume de La femme Dieu, Chair et Le Papelet) Fayard 2005 / Le livre de poche 2007
— Le porteur d’ombre, (roman) Fayard 2005 / Le Livre de poche 2007
– Resplandy (roman), Seuil 2010
 

mardi 7 janvier 2014

MUSIQUE. Great Lake Swimmers. Ongiara. GREAT LAKE SWIMMERS. (Nettwerk).


Ces nageurs-là n'ont pas fait beaucoup de vagues chez nous et c'est dommage. Formé à Wainflest (Ontario. Canada) en 2002 par le songwriter Tony Dekker, Great Lake Swimmers s'installe bientôt à Toronto et sort un superbe premier album éponyme en 2003, album qui, hélas, reste confidentiel. Une nouvelle édition ressortira en 2005, juste avant  le deuxième album, Bodies and Minds qui sera très bien reçu par les critiques spécialisés. Le groupe tourne au Canada et aux Etats Unis et prend son temps pour enregister Ongiara (2007), un petit chef-d'oeuvre country-blues mélancolique  aux arrangements subtils. Suivront Lost Channels (2009) et New Wild Everywhere (2012). Ce dernier est encensé par la critique et élargit l'audience du groupe. Pour notre part, nous lui préférons Ongiara, enregistré dans une chapelle en rase campagne, moins enlevé mais beaucoup plus original et le tout premier pour ses voix d'une extraordinaire beauté qui a été enregistré, lui, ... dans un silo à grain!
On retrouve sur Ongiara deux musiciens de premier ordre: Erik Arnesen (banjo, guitare) et Colin Huebert (batterie, percussions) qui formeront l'excellent Siskiyou, Colin Huebert troquant la batterie pour la guitare et devenant le chanteur à la voix si particulière de l'un des meilleurs groupes de ces dernières années. Ongiara est un album lumineux aux compositions dignes des plus grands, de Neil Young à Will Oldham en passant par Nick Drake.
Si Great Lake Swimmers reste fidèle à la tradition, il lui apporte un minimalisme exemplaire et un supplément d'âme, du moins dans les  albums précédant New Wild Everywhere qui, à notre avis, souffre de trop de technologie et d' arrangements  qui rompent le charme en habillant trop richement des chansons qui n'ont pas besoin de ça. Espérons que le groupe retrouvera vite le chemin des chapelles en bois, des silos à grain et de sa simplicité première.