dimanche 16 février 2014

LITTERATURE. STEVE EARLE. Les roses du pardon. Je ne quitterai pas ce monde en vie. (L'Ecailler) .

On connaissait Steve Earle songwritter rebelle et talentueux, on savait qu'il avait fait l'acteur, on avait entendu parler de sa vie agitée d'ancien toxicomane passé par la case prison mais il a fallu que le père Noël dépose dans nos souliers ces deux livre pour apprendre qu'il était aussi écrivain, et quel écrivain!
Steve Earle renoue avec la grande littérature américaine, celle que nous aimons, de Steinbeck à Carson Mc Cullers en passant par Tennessee Williams, une littérature loin du rêve américain, ancrée dans la vraie vie et qui nous raconte les destins des petites gens et des rejetés de la société: clochards, musiciens ratés, marginaux de toutes sortes. Les onze nouvelles de Les roses du pardon sont d'un réalisme noir mais non dénué d'humour et d'espoir. L'écriture d'une belle sobriété ne nuit en rien à l'émotion qui court tout au long de chacun de ces textes.
Je ne quitterai pas ce monde en vie est un roman ou plutôt un conte sombre et beau.
 South Side, banlieue sinistre de San Antonio abrite une faune hétéroclite de paumés, de toxicomanes, de dealer et de prostituées. Doc, ancien médecin qui a perdu le droit d'exercer, se débat dans les affres de la drogue. Pour se payer ses doses, il se fait avorteur et répare les dégâts des règlements de comptes, soignant les plaies de ceux pour lesquels un séjour à l'hôpital signifierait la fin de la liberté. Un jour débarque Graciela, jeune mexicaine sans papiers. Par sa bonne humeur et sa touchante naïveté, elle va non seulement changer la vie de Doc mais aussi celle de tout le quartier. Si le thème  peut sembler un brin gentillet, Steve Earle n'est pas homme ni auteur à tomber dans l'eau de rose. De son style percutant, il nous fait vivre l'enfer des drogues dures et la violence d'un milieu marginalisé, il nous montre l'hypocrisie d'une société puritaine qui laisse sur le bord du chemin tous ceux qui dérangent sa tranquillité, dénonce le cynisme de la religion et ne recule pas pour décrire la crasse et le sang des ghettos. Malgré cela, il nous offre un beau moment de grâce avec ce roman lumineux.
Un grand écrivain est né.
 

mercredi 5 février 2014

MUSIQUE. JASON MOLINA. SONGS:OHIA. MAGNOLIA ELECTRIC CO. (Secretly Canadian).

Il y a presque un an (le 16 mars 2013), Jason Molina quittait discrètement ce monde, détruit par les séquelles de son addiction à l'alcool qu'il avait vainement essayé de soigner. Discret, presque à l'excès, le musicien l'était depuis toujours. Né à Oberlin, Ohio en 1973, il commence à jouer de la basse dans différents groupes de heavy metal. Après quelques années, il décide de faire sa propre musique. Il s'autoproduit sous différents noms (Alban, Songs, Radix etc.) et vend lui-même ses albums lors des concerts. En 1996, il prend le nom de Songs: Ohia et forme un groupe à géométrie variable qui se modifie au gré des exigences de la musique qu'il veut créer. Le public et la critique se trouvent passablement désemparés devant le style changeant de l'auteur-compositeur guitariste et chanteur. On le classe dans l'indie rock, le lo-fi, le folk ou la alt- country suivant l'humeur du moment! Songs: Ohia, donc, enregistre un 1er album éponyme qui sort en 1997. La voix intense de Jason Molina, ses compositions inspirées, ses textes mélancoliques et son univers très personnel font que Songs: Ohia, à défaut d'atteindre la richesse et la gloire, devient un groupe culte dans les milieux spécialisés malgré (ou à cause de) la schizophrénie musicale de son leader qui se permet en plus quelques "récréations" en solo ainsi que quelques collaborations avec, entre autres, Will Oldham, Alasdair Roberts, Arab Strap ou Will Johnson. Le groupe enregistre une dizaine de disques dont le superbe Ghost Tropic, album épuré d'une sombre beauté, le crépusculaire Didn't it Rain et ses guitares en pleurs ou le lumineux Magnolia Electric Co qui sonne la fin de Songs: Ohia, Jason Molina décidant de baptiser le groupe du nom de cet album. Magnolia Electric Co sera accessible à un plus large  public et enregistrera cinq albums dont  le magistral Joséphine (2009). Depuis, les problèmes de santé avaient éloigné Jason Molina de la musique. En 2013, l'ultime album fera croire un instant à une renaissance, Autumn Bird Songs ne sera, hélas, qu'une compilation de démos (au demeurant très belles) sorties des fonds de tiroirs.
A la fin de l'année 2013, Secretly Canadian a réédité l'album Magnolia Electric Co. Un deuxième disque a été ajouté: les chansons interprétées en solo et enregistrées "at home" par un musicien exceptionnel.