mardi 20 mai 2014

MUSIQUE. TOWNES VAN ZANDT.

Il y a des artistes dont on oublie de parler tout simplement parce qu'on est persuadé qu'ils sont connus de tous, et puis, au hasard d'une conversation, on s'aperçoit que ce n'est pas le cas. Il faut dire que les disques de Townes Van Zandt sont si sombres et si intimistes qu'on les écoute généralement seul au cas où une larme nous échapperait.
Né dans le Texas en 1944, Townes Van Zandt souffre dès l'enfance de troubles psychologiques qui font de lui un introverti solitaire. Sa personnalité est restée un mystère pour tous ceux qui l'ont côtoyé. Dépressif chronique, il essayait d'exorciser son mal de vivre en se réfugiant dans l'alcool, les drogues et bien sûr la musique qu'il composait comme on respire. "Si je me trouvais à bord d'un bateau sur le point de couler, je serais prêt à composer une chanson, tout en sachant que personne ne l'écouterait jamais."
A l'âge de 15 ans, il se met à la guitare et écoute assidûment Lightin' Hopkins, Hank Williams et Bob Dylan.
En 1966, il s'installe à Houston et joue dans les bars et les clubs de la ville dont  le célèbre Old Quarter. C'est là qu'il va rencontrer de nombreux musiciens et plus particulièrement son idole Lightin' Hopkins qui aura une influence décisive sur son jeu de guitare. Il va y faire aussi la connaissance de Mickey Newbury, un folksinger texan qui l'emmène à Nashville et le présente au producteur de  Sun Record. Ce dernier le fait enregistrer et en 1968 le label Popy, qui signe Lightin' Hopkins, sort For the sake of the song. Si les onze compositions confirment l'immense talent de Townes, la production trop étoffée ne les met pas vraiment en valeur. Le son standardisé de Nashville ne sied pas au style d'un musicien inclassable qui s'opposera même très longtemps à la réédition de ce disque. Il part alors à New york puis en Californie où est enregistré le 2ème album,Our mother the mountain (1969). Encore une fois les chansons sont superbes mais les arrangements trop riches. Pourtant le succès pointe le bout de son nez... au Texas où l'homme est revenu en stop et en sautant dans les trains de marchandises. Moins d'un an plus tard sort un disque intitulé tout simplement Townes Van Zandt. Il y reprend trois des compositions du 1er album dont la magnifique Waiting around to die. Ce disque au dépouillement  salutaire est une merveille qui aujourd'hui encore n'a pas pris une ride. 1971 voit paraître Delta momma blues. Vient ensuite High,low and in the between (1972). Malgré cela sa carrière ne décolle pas. La même année, il enregistre The late great Townes Van Zandt dont le titre témoigne de son humour (très) noir. Entre temps, Emmylou Harris a entendu ses chansons et décide d'en reprendre quelques-unes dans son répertoire, apportant au Texan un peu de notoriété. Hélas, le label Popy s'apprête à déposer le bilan. Le songwriter ne baisse pas les bras pour autant et continue d'écrire d'excellentes chansons qui sont reprises par des artistes beaucoup plus connus que lui. Mais Townes ne va pas bien. Il sombre de nouveau dans l'alcool et la drogue et se retrouvera SDF pendant plusieurs années. Il est à deux doigts de toucher le fond quand il rencontre John Lomax, le petit-fils de l'archiviste du folk et du blues qui décide de l'aider. En 1977 sort ce qu'on peut considéré comme un chef-d'oeuvre, Live At Old Quarter, un double album live enregistré quelques années plus tôt à Houston. Il chante ses plus belles compositions seul avec sa guitare sèche et il est évident que sa musique n'a besoin de rien d'autre. Le live se vend plutôt bien comparé à ses précédents albums et Van Zandt retrouve le chemin des studios avec l'enregistrement de Flyin'shoes  en 1978. Une fois de plus le producteur n'a rien compris et en fait trop. L'album, malgré un vrai succès critique ne marche pas. Cette fois le musicien en a assez et disparaît, vivant en ermite dans la montagne. Il ne remettra pas les pieds dans un studio pendant dix ans. Mais il faut bien vivre, alors il descend de sa montagne pour jouer dans de petits clubs. Il trouve un public en Europe où il fait quelques tournées. En 1987 un label indépendant réussit à le persuader d'entrer en studio. At my window sort en 1987. Il est honnête mais le coeur n'y est plus. Townes Van Zandt fait figure d'artiste maudit et de nombreux musiciens de la scène alternative country en font une légende. En 1989 sort l'anthologie Pancho & Lefty. En 1992 Road songs est une très bonne surprise même si Townes Van Zandt ne chante aucune de ses chansons. Nous ne nous attarderons pas sur les nombreux live qui viendront ensuite, aucun d'eux n'approchera la perfection et l'émotion de Live at Old Quarter. No Deeper Blue (1994) sera le dernier album  studio du troubadour mais on est loin des pépites d'antan. Malgré une santé déclinante il tourne néanmoins en Europe. Il mourra le 1er janvier 1997 à l' âge de 52 ans d'une crise cardiaque, laissant derrière lui quelques dizaines de chansons extraordinaires dont certaines sont reprises par des musiciens aussi différents que Steve Earle, Cowboy Junkies ou Tindersticks. 

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