samedi 29 novembre 2014

BD. MEZZO /J.M.DUPONT. LOVE IN VAIN. (Glénat)

Si quelqu'un doute encore que la BD est un art, nous l'invitons à feuilleter ce superbe ouvrage! Chaque planche en noir et blanc est une oeuvre d'art à part entière, certains dessins tirés en pleine page au format à l'italienne absorbent totalement le regard. Les cadrages, empruntent à la photo ou au cinéma et chacune des images est remarquablement travaillée. Un cahier d'une quinzaine de pages nous fait découvrir en bilingue quelques textes de Robert Johnson illustrés de magnifiques fusains.
Le scénario est tiré de l'histoire du musicien mort à 27 ans (en 1938), certainement empoisonné par un mari jaloux . Ce bluesman légendaire est entouré de mystère, on connaît peu sa vie et seules deux photos le représentant ont été retrouvées à ce jour. Abandonné par son père avant de l'être par sa mère, ayant perdu très jeune sa femme et son enfant lors de l'accouchement, cet écorché vif ne trouvera un peu de réconfort que dans la musique, l'alcool et les femmes. Ce réconfort sera à la fois son remède et son mal. Il courra toute sa courte vie après un idéal inatteignable. La légende dit qu'il devait son talent au diable (ou plutôt à papa Legba, son équivalent dans le vaudou) auquel il aurait vendu son âme.
Tous les ingrédients semblaient donc réunis pour écrire un scénario facile. Ce n'est pas ce qu'ont choisi les auteurs de Love in vain. Ils s'en sont tenus aux faits connus et ont étoffé leur sujet en peignant une véritable chronique de la vie quotidienne des descendants d'esclaves dans l'Amérique raciste des années 30. Les décors sont saisissants de vérité, qu'il s 'agissent des villages , de la campagne du Mississippi ou de ceux des grandes villes. Les scènes d'intérieur font l'objet d'un dessin fouillé qui ne laisse rien au hasard. Ils ne se sont pas non plus laissés piéger par le mythe, ils ont fait de Robert Johnson un homme, tout simplement, un homme solitaire avec des souffrances d'homme pour lequel on ne peut qu'avoir de l'empathie. Le résultat est un superbe hommage à celui qui a inspiré Bob Dylan, Les Rolling Stones, Eric Clapton, Led Zeppelin, Johnny Winter et beaucoup d'autres.