vendredi 17 janvier 2014

LITTERATURE. L'homme qui marche. YVES BICHET. (Mercure de France).


"Ancien pion au lycée agricole d'Embrun (Hautes Alpes), chemineau par passion et par mélancolie, pauvre par obligation, endurant par devoir, cocu par négligence, arpenteur et fuyard", c'est ainsi que se définit Robert Coublevie, devenu chemineau depuis que sa femme l'a quitté. Il marche inlassablement le long de la frontière Italie- France qu'il ne franchit jamais. Il en connaît chaque vallon, chaque détour , chaque torrent, chaque alpage. Il parcourt son sentier "immergé dans la beauté omniprésente". "Toute cette beauté dit-il, Elia et moi, on la boit des yeux...on la scrute, on la célèbre". Elia, c'est la petite chienne qui trottine derrière lui et à qui il a donné le prénom de celle qui fut sa compagne. Il ne se lasse jamais de son "bout de frontière" sauf lorsque le froid ou la pluie persistante l'obligent à descendre à la ville où il se réfugie au Café du Nord. Dans ce bistrot tenu par Sylvain Taliano, veuf et taciturne, il retrouve Mounir, le garçon, Tissot, l'agrégé des douanes, Tapenade l'alcoolo fainéant et surtout Camille, la fille du patron. Elle a seize ans,  "des cils de madone" et des secrets inavouables. Le chemineau solitaire s'attache à elle, il ne sait pas qu'elle va changer sa vie. En homme libre et bienveillant, il ira même jusqu'à se sacrifier pour la protéger et ne pas trahir ses secrets. Si ce livre contient une énigme policière, ce n'est pas ce qui intéresse l'auteur.  Son propos va bien au-delà des contingences. L'homme qui marche est un hymne à la vie, à la nature, à la joie et à la liberté que l'on n' oubliera pas.
Un grand livre.

Nous rappelons à votre mémoire  le magnifique Terres froides que nous avions chroniqué il y a bien longtemps, et qui était , lui, un hymne à l'enfance et à l'adolescence.
 
Bibliographie:
 
— La part animale (roman), éd. Gallimard 1994 / Folio 2007
— Le rêve de Marie (poèmes), éd. Le temps qu'il fait 1995
— Clémence (poèmes et proses), éd. Le temps qu’il fait 1999
— Le Nocher (roman), Fayard 2000
— Les terres froides (récit), Fayard 2000
— La femme Dieu (roman), Fayard 2001
— Chair (roman), Fayard 2002
— Le Papelet (roman), Fayard 2004
— La Papesse Jeanne (roman / réédition en un volume de La femme Dieu, Chair et Le Papelet) Fayard 2005 / Le livre de poche 2007
— Le porteur d’ombre, (roman) Fayard 2005 / Le Livre de poche 2007
– Resplandy (roman), Seuil 2010
 

mardi 7 janvier 2014

MUSIQUE. Great Lake Swimmers. Ongiara. GREAT LAKE SWIMMERS. (Nettwerk).


Ces nageurs-là n'ont pas fait beaucoup de vagues chez nous et c'est dommage. Formé à Wainflest (Ontario. Canada) en 2002 par le songwriter Tony Dekker, Great Lake Swimmers s'installe bientôt à Toronto et sort un superbe premier album éponyme en 2003, album qui, hélas, reste confidentiel. Une nouvelle édition ressortira en 2005, juste avant  le deuxième album, Bodies and Minds qui sera très bien reçu par les critiques spécialisés. Le groupe tourne au Canada et aux Etats Unis et prend son temps pour enregister Ongiara (2007), un petit chef-d'oeuvre country-blues mélancolique  aux arrangements subtils. Suivront Lost Channels (2009) et New Wild Everywhere (2012). Ce dernier est encensé par la critique et élargit l'audience du groupe. Pour notre part, nous lui préférons Ongiara, enregistré dans une chapelle en rase campagne, moins enlevé mais beaucoup plus original et le tout premier pour ses voix d'une extraordinaire beauté qui a été enregistré, lui, ... dans un silo à grain!
On retrouve sur Ongiara deux musiciens de premier ordre: Erik Arnesen (banjo, guitare) et Colin Huebert (batterie, percussions) qui formeront l'excellent Siskiyou, Colin Huebert troquant la batterie pour la guitare et devenant le chanteur à la voix si particulière de l'un des meilleurs groupes de ces dernières années. Ongiara est un album lumineux aux compositions dignes des plus grands, de Neil Young à Will Oldham en passant par Nick Drake.
Si Great Lake Swimmers reste fidèle à la tradition, il lui apporte un minimalisme exemplaire et un supplément d'âme, du moins dans les  albums précédant New Wild Everywhere qui, à notre avis, souffre de trop de technologie et d' arrangements  qui rompent le charme en habillant trop richement des chansons qui n'ont pas besoin de ça. Espérons que le groupe retrouvera vite le chemin des chapelles en bois, des silos à grain et de sa simplicité première.