dimanche 14 juin 2015

ARTS PLASTIQUES. Catharsis. LUZ. (Futuropolis)

Après avoir trouvé ses camarades assassinés dans les bureaux de Charlie Hebdo, Luz est dévasté et ne se sent pas capable d'aller plus loin. Il songe même à ne plus dessiner. Le collectif du journal décide de se remettre sans tarder au prochain numéro. Luz sait qu'il ne peut pas laisser tomber les quelques collègues rescapés de la tuerie et c'est son très bon dessin qui fera la couverture du numéro vert. Mais que faire après... Traumatisé, il perd son principal moyen d'expression, il n'arrive plus à dessiner que des petits bonshommes statiques aux yeux exorbités devant l'horreur.
Petit à petit l'envie revient, il faut bien survivre, et puis un besoin irrépressible le pousse à reprendre son art qui l'aide à éloigner la paranoïa et à faire son deuil.
C'est ainsi que va naître Catharsis, une suite d'histoires tour à tour tristes, violentes, drôles ou émouvantes. Le style change d'une planche à l'autre, le pinceau laisse la place à une plume mordante au trait plus dur, parfois la couleur apparaît: rouge. Rouge comme la colère, comme le sang, comme les lèvres de sa compagne. Bleu: bleu comme le manteau qu'elle portait lorsqu'elle est venue le rejoindre au siège de Charlie le jour du drame. Car ce livre est une histoire d'amour au sens large du terme, amour pour celle qui partage la vie de l'auteur, amour pour Charb, l'ami, le frère, amour des gens, du dessin, de la vie, amour qui montre un homme aux antipodes de celui qu'ont voulu décrire certains haineux trop contents de pouvoir baver, à travers la personne de Luz, sur un journal qu'ils n'ont jamais compris ou, pire, peut-être jamais lu.
Merci monsieur Luz pour ces belles pages, pour l'espoir, pour la tendresse... pour tout.

mardi 2 juin 2015

ESSAI. Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes. CHARB. (Les Echappés)

Deux jours avant d'être lâchement abattu dans les locaux de Charlie Hebdo avec bon nombre de ses amis, Charb avait remis le manuscrit de ce qui sera son dernier livre à son éditeur. Cette fois, pas de dessins mais un essai concis à la plume acérée dans lequel il répond avec intelligence et humour à tous ceux qui utilisent à tort et à travers le mot "islamophobie" , " terme mal choisi s'il doit nommer la haine que certains tarés ont des musulmans."
Avec une rhétorique implacable, il montre comment les anti-islamophobes ont joué avec les mots non pas pour défendre des hommes et des femmes attaqués pour la couleur de leur peau, leur origine ou leur position sociale, mais une religion. Il s'interroge et nous fait nous interroger sur l'utilisation irrationnelle d'un mot de plus en plus employé par une multitude hétéroclite de personnes allant des radicaux islamistes à la gauche bien pensante en passant par l'extrême droite et repris sans vergogne par des médias imbéciles "d'abord par fainéantise, ensuite par attrait de la nouveauté et, enfin par intérêt commercial... La peur se vend bien. L'islam qui fait peur se vend bien." 
Ce petit livre, visiblement, embarrasse beaucoup de monde, en particulier certains commentateurs de presse et de nombreux politiques. Il est vrai que comme d'habitude, Charb ne s'est pas, lui, embarrassé d'un prêt à penser consensuel et a profité de l'occasion pour bousculer la bienséance idiote et dangereuse qui a cours depuis quelque temps au nom du sacro-saint "vivre ensemble".  
Un livre à lire pour comprendre comment plus ou moins intentionnellement, par intérêt ou par bêtise on finit par placer les religions au-dessus des hommes, à tuer la liberté d'expression... et ceux qui la pratiquent.